
Etat des lieux et analyses des pistes possibles de la réforme de la fiscalité avec Jean-François Lucq, ingénieur patrimonial chez KBL Richelieu.
Si la proposition de réforme de la fiscalité du patrimoine qui doit être débattue au Parlement s’avère fidèle au projet initial, le financement de cette réforme, en revanche, réserve d’importantes surprises.
Les trois points-clés du projet initial constituent toujours la clé de voûte du projet, devant maintenant être discuté:
- rehaussement du seuil de taxation à l’ISF de 800.000 euros à 1.300.000 euros,
- barème ramené à deux tranches, 0,25 % jusqu’à 3 millions d'euros et à 0,50 % au-delà, l’assiette de taxation démarrant au premier euro avec lissage pour éviter les effets de seuil,
- et suppression des mécanismes du plafonnement de l’ISF et du bouclier fiscal.
Mais la nouveauté par rapport à ce qui était attendu réside dans la mise en avant de deux sources nouvelles de financement. Plutôt que la taxation des plus-values immobilières, puis la taxation accrue de l’assurance-vie, un temps évoquées et finalement abandonnées, le projet Baroin évoque en effet :
- une fiscalisation renforcée des transmissions patrimoniales, par une augmentation du délai de non-rappel fiscal entre deux donations (de 6 ans à 10 ans), une suppression des réductions de droits de donation, et une augmentation des deux tranches les plus élevées du barème de transmission, la tranche à 35% (au-delà de 1.062.000 euros) passant à 40%, celle à 40% (au-delà de 1.965.000 euros) passant à 45 %.
- une fiscalisation accrue des non-résidents, tant sur les résidences secondaires détenues en France (taxe égale à 20% de la valeur locative cadastrale) que sur les plus-values financières enregistrées lorsqu’ils étaient résidents français.
A priori donc, et sans préjuger des débats à l’Assemblée, la nouvelle fiscalité du patrimoine pourrait se traduire par une redistribution des charges entre foyers fiscaux.
Les foyers disposant d’un patrimoine conséquent seront tous impactés de manière négative par la fiscalisation accrue des transmissions de patrimoine ; de surcroît, les foyers qui faisaient jouer à plein le bouclier fiscal seront également pénalisés par le nouveau barème d’ISF, comme le montre le tableau ci-dessous.
Niveau de fortune | ISF actuel sans plafonnement ni bouclier | ISF actuel avec plafonnement (*) | ISF après réforme | Gain/Perte | Surcoût à terme de droits de succession (**) | |
---|---|---|---|---|---|---|
Sans plafonnement | Avec plafonnement | |||||
5 M € | 39 435 € | 19 718 € | 25 000 € | + 14 435 € | - 5 282 € | 143 780 € |
10 M € | 112 450 € | 56 225 € | 50 000 € | + 62 450 € | + 6 225 € | 393 780 € |
20M € | 282 265 € | 141 133 € | 100 000 € | + 182 265 € | + 41 133 € | 893 780 € |
(*) ISF réel supposé égal à 50 % de son montant initial ; s’il est d’un montant inférieur, la perte par rapport au statu quo sera plus nette encore
(**) hypothèse d’une succession avec deux enfants
Enfin, le débat parlementaire devrait être l’occasion de mettre en place des dispositifs « anti-abus » destinés à lutter contre des schémas d’optimisation touchant aux actifs immobiliers, basés soit sur l’utilisation des trusts, soit sur l’utilisation de comptes courants d’associé lorsque l’associé est un non-résident.
Cela étant, la déclaration et le paiement de l’ISF devant être retardés du 15 juin au 30 septembre, les débats parlementaires seront à suivre avec attention, car ils pourraient réserver de nouvelles surprises.
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