Etat des lieux et analyses des pistes possibles de la réforme de la fiscalité avec Jean-François Lucq, ingénieur patrimonial chez KBL Richelieu.
Il semble qu’aujourd’hui les grandes lignes du projet de loi portant sur la fiscalité patrimoniale aient été arrêtées. A dire vrai, les projets successifs ont parfois donné l’impression que certains sujets (taxation accrue de l’assurance-vie, par exemple) étaient présentés comme des ballons d’essais, pour tester la réaction des personnes concernées (compagnies d’assurance, et souscripteurs) plutôt que comme une volonté déterminée de réforme.
1/ Une justification conceptuelle de la réforme …
Le Ministre du Budget a donné une indication intéressante sur la nécessité d’opérer la réforme, en mettant en parallèle le taux de l’ISF et le taux de rendement des actifs sans risque. Au moment où l’ISF (qui s’appelait alors IGF) a été institué, le taux de rendement des actifs sans risque (SICAV monétaires ou obligations d’Etat) était largement supérieur à 10 %. Un taux d’impôt de 1 ou 1,5 % n’avait alors rien de confiscatoire. Aujourd’hui, les SICAV monétaires ont un rendement voisin ou inférieur à 1 %, et les Emprunts d’Etat n’offrent que 3,5%. Un taux d’impôt sur le patrimoine de 1,5, voire 1,8 % peut alors être considéré comme confiscatoire.
Il est savoureux de noter que c’est justement pour tenir compte des conséquences induites par ce phénomène (la nécessité pour certains contribuables de procéder à des cessions d’actifs pour payer l’impôt) que le bouclier fiscal a été instauré en 2005.
Pour éviter que sa suppression ne ramène au statu quo ante, il fallait en fait intégrer le bouclier au barème, en diminuant les taux (aujourd’hui ramenés à 0,25 et 0,5 %).
2/ Mais des risques pour l’avenir
Pour financer la diminution du seuil d’imposition, ainsi que la diminution des taux, les pouvoirs publics ont opté pour une taxation accrue des transmissions de patrimoine. Le délai entre chaque donation assorti d’un avantage fiscal est relevé de 6 ans à 10 ans. Les réductions de droits de donation (50, 35, 30 et 10 %, selon que les donations portent sur la pleine propriété ou sur la nue-propriété) disparaissent, et les deux dernières tranches de droits de succession, jusqu’alors fixées à 35 et 40 %, vont passer à 40 et 45 %.
En rendant plus coûteuses les transmissions de patrimoine, il y a le risque d’assister non plus à un départ de France de jeunes foyers fiscaux rebutés par l’impôt sur le patrimoine, mais à des départs de seniors, se portant vers des pays à fiscalité successorale plus douce pour éviter une taxation « confiscatoire ». La création d’une tranche marginale dissuasive à 45 % pourrait à terme priver le pays d’importantes recettes fiscales, nécessitant de recourir à de nouvelles augmentations d’impôt.
La réforme qui va être débattue au Parlement n’est sans doute que la première étape d’un débat sur la fiscalité globale, qui sera appelée vraisemblablement à rebondir en 2012.
Jean-François Lucq
Ingénieur patrimonial chez KBL Richelieu