
Etat des lieux et analyses des pistes possibles de la réforme de la fiscalité avec Jean-François Lucq, ingénieur patrimonial chez KBL Richelieu.
Depuis début Mars, deux options sont désormais sur la table.
1/ UNE OPTION MINIMALE : UNE REFONTE DE L’ISF INTEGRANT LE BOUCLIER FISCAL
La piste la plus sérieuse se décline en deux mesures, complémentaires l’une de l’autre. D’abord, la disparition du bouclier fiscal, mécanisme coupable aux yeux d’un grand nombre de citoyens de montages visant à en détourner la philosophie.
Ensuite, la simplification de l’ISF, avec un barême ramené à deux tranches, l’une à 0,25 % jusqu’à 3 millions d'euros de patrimoine, et à 0,5% au-delà. Le seuil d’assujettissement à l’ISF serait rehaussé à 1 300 000 euros. Deux points importants à signaler : d’abord, les personnes assujetties seraient taxées sur leur patrimoine dès le premier euro. Ensuite, il semblerait également que les personnes dont le patrimoine dépasserait les 3 millions d'euros seraient taxées à 0,5% dès le premier euro de patrimoine. La constitutionnalité de ce dispositif est toutefois sujette à caution.
Un premier calcul montre que l’ISF serait inférieur, après la réforme, pour tous les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 1 404 000 euros.
Montant du patrimoine | 1 300 000 € | 1 404 000 € | 3 000 000 € | 10 000 000 € |
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ISF actuel | 2 750 € | 3 510 € | 16 555 € | 112 450 € |
ISF après la réforme | 3 250 € | 3 510 € | 15 000 € | 50 000 € |
Toutefois, certains contribuables pourraient être pénalisés par la disparition du bouclier fiscal, s’ils disposent de peu de revenus taxables.
Prenons l’exemple d’un FOYER fiscal disposant d’un patrimoine taxable de 6 000 000 d’euros, et de 50 000 euros de revenus. Dans le régime précédent, sa cotisation d’ISF était de 52 435 euros, avec un IR de 3 868 euros. Après application cumulée du plafonnement de l’ISF et du bouclier fiscal, son total de taxation tombait à 25 000 euros.
Dans le nouveau régime, l’ISF de ce foyer fiscal va être ramené à 22 500 euros, auquel s’ajouteront 3 868 euros d’IR, soit un total de taxation de 26 368 euros.
Avec un patrimoine de 10 millions d'euros et 60 000 euros de revenus, le total de prélèvements fiscaux avant la réforme s’élève à 40 000 euros, contre environ 48 500 euros après la réforme.
Plus le revenu de référence du foyer fiscal est faible, plus le nouveau régime sera pénalisant.
Sur le plan budgétaire, l’institution de ce régime ferait apparaître un manque de recettes compris entre 500 millions d’euros et un milliard. Il devra donc être complété par de nouvelles ressources fiscales. L’instauration d’une taxation accrue de l’assurance-vie est l’hypothèse la plus probable à ce stade.
2/ UNE OPTION INTELLECTUELLEMENT SEDUISANTE, MAIS DELICATE A METTRE EN PLACE : UNE SUPPRESSION DE L’ISF DOUBLEE D’UNE TAXATION DE L’ENRICHISSEMENT PATRIMONIAL
Cette piste est articulée autour de deux principes : la suppression de l’ISF serait intégrale. Elle serait compensée, sur le plan budgétaire, par une taxation de l’enrichissement patrimonial, constitué par la différence entre la valeur du patrimoine au 31 Décembre et la valeur de ce patrimoine au 1er Janvier. Ne taxant que l’enrichissement, ce dispositif semble séduisant. Toutefois, sa mise en œuvre risque de s’avérer complexe. En effet, il devrait être aisé de calculer l’enrichissement annuel pour tous les détenteurs de patrimoines financiers ayant une valeur de marché (contrats d’assurance-vie et de capitalisation, compte-titres,…). La question risque d’être plus complexe pour les variations de patrimoines immobiliers, qui devraient donner lieu à d’âpres discussions.
De plus, en période de variations boursières négatives, il n’y aura aucun enrichissement, et un crédit d’impôt devra être accordé aux détenteurs de patrimoine, crédit qui s’imputera sur les revalorisations futures.
Cette piste est séduisante, mais sa complexité risque de rebuter. Aujourd’hui, le premier schéma tient clairement la corde.
De nombreux points restent encore en suspens : par exemple, les dispositifs de réduction de l’ISF (investissements dans les PME, dons,…) resteront-ils en vigueur dans le nouveau régime, ou seront-ils impactés par la réforme ?
Les éléments connus du débat qui va s’ouvrir n’excluent pour l’instant aucune piste.
Jean-François Lucq
KBL Richelieu
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Réforme de la fiscalité du patrimoine (28/02/11)