
Abribus, pancartes publicitaires ou toilettes publiques, qui peut prétendre n’avoir jamais croisé la signature de JC Decaux sur son chemin ? Une renommée internationale, pas prêt de se ternir puisque ce sont les fils du fondateur qui ont repris le flambeau de l’entreprise familiale.
Un parcours impressionnant
2.35 Milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010, soit 22.5% de plus qu’en 2009. Des résultats exceptionnels pour un self-MADE man. En 1955, Jean-Claude Decaux dépose la marque et se spécialise dans les placards publicitaires sur le bord des autoroutes. C’était sans compter sur les taxations trop lourdes, qui l’empêchent d’avoir une activité rentable. Mis à mal par la décision de Valéry Giscard d’Estaing d’interdire l’affichage le long des routes, il décide alors d’innover et installe en 1962 son premier Abribus, près de Lyon. La demande se fait de plus en plus massive et le business man se retrouve dans l’obligation d’élargir son entreprise. Il s’entoure alors de designers ultra-compétents, comme Jean-Michel Wilmotte, Norman Foster, Patrick Jouin ou encore Philippe Starck et rachète en 1999 à Vivendi l’afficheur Avenir. Un parcours qui le classe en dixième position des fortunes hexagonales avec une fortune de 3,256 Milliards d’euros. En 2002, il laisse la direction du groupe à ses deux fils, Jean-Charles et Jean-François, qui deviennent co-directeurs généraux d’une firme présente sur quatre continents et cinquante pays.
Deux enfants champions
La première chose que l’on peut dire sur les enfants Decaux, c’est qu’on ne sait pas grand-chose d’eux. Quelques déclarations parsemées dans la presse sur la façon dont ils dirigent l’entreprise, mais jamais rien de personnel. L’histoire commence en 1982 pour le frère ainé. Il fonde la filiale allemande, et suis le développement de la croissance des ailes européennes. Il parvient ensuite à implanter l’entreprise familiale sur le sol américain, puis en Australie. Jean Charles rejoint quant à lui la compagnie en 1991, après avoir suivi des études aux Etats Unis. Alors âgé de 23 ans, il prend la tête de la filiale espagnole. Trois ans plus tard, il rajoute à la liste l’Amérique du Sud et l’Asie. Des postes importants qui pourraient les priver de tout loisir. Pourtant, les deux frères parviennent à se ressourcer en faisant du sport, domaine où, comme en finance, ils excellent. Ainsi, Jean-François, français exilé à Londres, s’avère être un fin joueur de polo. Il a même acquis le club Britanny, à la Baule. Chaque année, il prend le départ des tournois de la Tente d’argent et de la Tente d’or, compétitions se disputant à la Baule, où il accumule les victoires. A son palmarès, le titre de double vainqueur de la Tente d’or et second de la coupe Moët et Chandon. Sa dernière victoire date d’août 2010, ou l’héritier s’est imposé sur ses terres.
Pour Jean-Charles, qui habite à Madrid, le plaisir se trouve sur la mer. Habituellement peu enclin aux dépenses mirobolantes et à l’affichage médiatique, il n’a pu résister à l’acquisition d’un magnifique voilier de course, un Wall, pour sept millions d’euros. Tout comme son frère aîné, l’esprit de compétition est omniprésent, récompensé par un double leadership à la Giraglia Cup. « Le monde est grand, eh bien, démerdez-vous ! », leur avait lancé leur père quand ils étaient plus jeunes. Une éducation à la dure qui semble avoir porté ses fruits. Même le « petit » dernier, Jean-Sébastien, qui refusait pourtant de suivre le chemin tout tracé d’une carrière au sein de l’entreprise familiale, a fini par rentrer dans le rang.
Une exposition forcée
Réputés pour leur discrétion légendaire, la famille Decaux n’est pas du genre à s’afficher à la une des magazines People. Seule entorse à ce règlement, l’entrée en bourse de la firme en 2001, qui les forcent à s’exposer médiatiquement. A l’origine de cette décision, une conjoncture économique difficile. Pour désendetter le groupe et poursuivre sa croissance, aucun autre choix n’était possible. Une affaire qui aurait pu mal tourner puisque le cours de l’action chute de manière affolante en 2009, avec une chute de 20%. Mais la société se reprend aussitôt et les résultats redeviennent positifs. Toutefois, le scénario oblige les deux frères à sortir de leur silence médiatique pour rassurer les investisseurs : «Nous avons pu reconstruire des positions et surtout profité de la croissance économique mondiale grâce à notre exposition sur la communication extérieure » a déclaré Jean-Charles Decaux lors d’une de ses rares interviews, accordé à BFM. Une phrase qui aurait parue impossible à prononcer quelques années plus tôt.
Tous les chemins mènent à JC Decaux
« Notre père a toujours manifesté une antipathie définitive à l’égard des héritiers », ont avoué Jean-Charles et Jean-François. Ca, Jean-Sébastien l’a bien compris. Sorti du baccalauréat avec un 10.2 de moyenne, c’est la punition assurée : nettoyer les abribus dans Paris à 5 heures du matin. Pour se rattraper, il assure obtenir Sciences-Po. De toute façon, s’il n’y arrive pas, son père lui a prévu un régime spécial : un an de formation chez les chasseurs alpins à Bourg Saint-Maurice. De quoi forger le caractère. Et le « fumiste », comme l’a décrit son père, y aura le droit. Incapable de résister face à la figure paternelle, il finira par rejoindre la maison familiale. Il est aujourd’hui président de la filiale italienne, à Turin. Un vrai produit made-in Decaux, la cravate impeccable, le costume taillé, et les chaussures cirées. Un raffinement qui a toujours conduit la famille à côtoyer les hautes sphères mondaines. Jean Charles, par exemple, serait un proche du Président de la République. Sur la devanture du siège social situé à Plaisir, dans les Yvelines, la devise « Seul le meilleur est acceptable » continue d’accueillir fièrement les visiteurs.
Théo Garcin