
Un paysan français se suiciderait chaque jour, soit trois fois plus que la moyenne des français. A l’origine de ce phénomène, la solitude et les difficultés financières.
«Il est de plus en plus compliqué d’être agriculteur aujourd’hui » se désole Mme Jarlet, agricultrice en Seine et Marne. Un constat qui se généralise chaque année dans les provinces françaises. « Il faut savoir gérer la production, la comptabilité, la commercialisation et le côté administratif. Et ce n’est pas prêt d’aller en s’améliorant » complète-t-elle. Ainsi, depuis 1990, des syndicats se sont créés pour protéger les droits du travailleur agricole, à l’image de la Confédération Paysanne.
Des ventes à perte
Pour Phillipe Collin, porte-parole de la confédération, toute l’histoire de l’agriculture se résume en une spirale spéculative. « Les céréaliers se portent bien actuellement, et la conjoncture économique leur est très favorable. Malheureusement, pour les éleveurs, particulièrement pour les bovins, le coût de l’aliment a très fortement augmenté. Les prix de vente sont beaucoup trop dévalorisés pour que les paysans puissent espérer en récolter des profits ». Et de fait, de nombreux producteurs vendent à perte, et finissent leurs fins de mois sur le fil du rasoir. Une situation usante, que l’Etat rechigne à prendre en compte. « Pour le gouvernement, il est hors de question de fixer un prix minimum de l’achat. On leur propose sans cesse des solutions, mais on est toujours confronté à une non-recevabilité totale, qui finit par être perçue comme du mépris » regrette le porte-parole de la confédération paysanne. Un scénario ressemblant fortement à la crise socio-économique qu’a traversé le Mozambique. En septembre 2010, confrontés à une hausse exorbitante du prix du blé et à une monnaie fortement dévaluée, les habitants à bout s’étaient réunis un peu partout dans le pays lors de manifestations spontanées, causant 18 morts.
Vers un soulèvement social
Une histoire qui pourrait bien se répéter en France : « Il faut maitriser le volume produit pour en stabiliser le prix. Le produit augmente d’un certain pourcentage à la production, et son prix double à la consommation. Les industriels en profitent pour faire leurs marges. Il y a actuellement une véritable spirale spéculative sur les céréales qui pourrait bien conduire à l’émeute sociale ». L’été 2010 avait déjà été marqué par l’épisode de la crise du lait, où les industriels avaient été pointés du doigt. En 2011, la cible est inchangée. En plusieurs décennies, la culture paysanne s’est progressivement effacée au profit d’une agriculture de rendement maximal. La productivité s’est substituée à la tradition : les professionnels du business agricole mettent à mal l’agriculture paysanne.
L’agriculture abandonnée
Problèmes financiers, de santé, mais aussi de couverture sociale. « On est soumis à l’obligation de travailler plus pour gagner moins. Nous sommes les victimes du déménagement du service public des milieux ruraux. L’éducation et la santé nous abandonnent » se désole Philippe Collin. Une tristesse et une rage alimentées par un combat que personne n’écoute. Cela fait plusieurs années que la Confédération Paysanne tente de sensibiliser le gouvernement sur la dangerosité des pesticides, sans jamais êtres pris au sérieux : « Lorsqu’ils utilisent du pesticide, leurs procédures d’évaluation sont les mêmes que celles employées pour le contrôle pharmaceutique, par lequel est passé le Mediator. Et on s’étonne qu’il y ait des morts ! » s’indigne-t-il. Un constat amer pour le porte-parole : « Les paysans sont comparés aux écolos, présentés comme des rêveurs. Le dernier mort (Yannick Chenet, décédé d'un cancer du pancréas suite à des expositions prolongées à des pesticides) vient pourtant confirmer que ce que nous disons est bien fondé… ».
Théo Garcin