
Nicolas Sarkozy a accueilli ce matin à l’Elysée 300 journalistes pour sa troisième conférence de presse en quatre ans. Le but : lancer le coup d’envoi de la présidence française du G8 et du G20.
C’est la première fois que le Président de la République prend les rênes du G8. Dès son introduction, les objectifs sont très clairs : instaurer un socle de protection sociale universel » et réformer le « système monétaire international ». Selon lui, rien ne va plus depuis 1971, année à laquelle le système monétaire aurait disparu. « Dire qu’il en existe un, c’est déjà une grave erreur » a-t-il affirmé. Bien entendu, il n’a toutefois pas osé s’attaquer au dollar, qui restera « la devise prépondérante », mais précise que « monnaie dominante ne veut pas dire monnaie unique ». Pour répondre aux nombreuses interrogations concernant le rôle d’institutions comme le G8 ou le G20, Nicolas Sarkozy avance quelques éléments de réponse : « Le G8 devra offrir des débats d’ordre public. Il est venu le temps de se faire confiance les uns et les autres et d’unir nos compétences ». Et en termes d’ordre public, il va être servi, puisque les journalistes, une fois autorisés à questionner le chef des armées, l’orientent immédiatement sur la piste tunisienne.
"Je ne veux pas polémiquer là-dessus"
C’est sans surprise qu’il prend un air résigné lorsqu’on lui demande de commenter les déclarations de Michèle-Alliot-Marie (la ministre des Affaires Etrangères avait proposé l’appui de la police française pour freiner les émeutiers). « Elle n’avait pas la volonté de s’opposer violemment aux manifestants » a modéré le Président, mais reconnait toutefois que les propos tenus ont pu prêter à polémique, dont il cherche à tout prix de s’éloigner : « J’essaie de ne pas me laisser distraire par les polémiques, mais plutôt de rester sur les sujets de fond ». Une promesse difficile à tenir, puisque nos confrères, avides de questions, reviennent à quatre reprises sur les manifestations affectant le Maghreb. « Nous n’avions pas pris la juste mesure de la désespérance et de la souffrance du peuple tunisien » a avoué le chef de l’Etat en guise de préambule sur la révolution du jasmin.
« L’insupportable corruption », finalement dénoncée, aura mis du temps à sortir de la bouche de notre président, bien que relayée pendant des années dans la presse française. Avec cette déclaration, « une nouvelle ère s’ouvre ». Une ère basée sur quoi ?La collaboration, l’entraide ?
Pas si sur, puisque si Nicolas Sarkozy prétend que « la France se tient avec amitié et respect » aux côtés de la nouvelle démocratie tunisienne. Il est clair que son sourire de circonstance se fige quand un journaliste évoque le silence gouvernemental devant les 78 manifestants abattus par la police. « Je ne veux pas polémiquer là-dessus », élude-t-il, avant de changer de sujet.
Il l’avait annoncé, la conférence de presse ne devait pas sortir des sentiers battus du G20 et du G8. Une volonté de bien faire omniprésente au cours de ces deux heures d’allocution. Nicolas Sarkozy a troqué sa veste de maître du monde contre celle d’un homme qui se veut rationnel, réfléchissant avant de parler. Finie la volonté de « réguler la gouvernance mondiale », et en avant pour un monde uni.
Une fois n’est pas coutume, le président se laisse aller à la politique du silence. Certes, endosser les responsabilités de leader de la nation impose de savoir faire preuve de diplomatie : « Le cas de la Tunisie est très difficile. Pour les pays qui ont été des colonies françaises, vous comprendrez que le président doit tenir compte du poids de l’histoire sur l’évolution de ce pays. La puissance coloniale est illégitime à prononcer un jugement sur un pays anciennement colonisé. Je refuse que la France soit assimilé à un pays qui ait gardé des réflexes coloniaux » a-t-il tenté de se justifier.
Les réactions de l’opposition ne se sont pas fait attendre. Sans surprise, le constat est le même : l’allocution présidentielle s’est révélée bien creuse. A gauche comme à l’extrême droite, le discours n’a pas convaincu. Michel Sapin, secrétaire national du PS à l’économie a brièvement résumé : « Quand il parlait très fort il ne faisait pas grand chose, il parle un peu moins fort j'ai peur qu'il n'en fasse encore moins ». De son côté, Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS à l’international, a déclaré que« Nicolas Sarkozy estime qu'il peut réorganiser le monde d'un coup de baguette magique, mais en diplomatie mieux vaut faire des petits pas que des grands moulinets avec les bras ». Marine le Pen a finalement regretté que le chef de l’Etat n’ait pas abordé les questions, selon elle, cruciales : « Il n'a pas dit un mot sur la régulation des flux migratoires mondiaux alors qu'il s'agit là du problème du 21e siècle ».
Théo Garcin