La conférence sur la propriété intellectuelle et l’Industrie de la Culture était l’une des plus attendues de ce forum e-G8. Baptisée « propriété intellectuelle et Economie de la Culture à l’âge du numérique », la réunion a tenu ses promesses.
La table ronde consacrée aux droits d’auteurs et à la propriété intellectuelle a été la seule où le débat s’est un peu animé. En guise de préambule, la question a été de savoir si le débat autour du téléchargement illégal était pacifié. Interrogé, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, a donc donné sa position sur le sujet : « Tout le monde reconnaît le principe de la protection du doit d'auteur car il touche à la création. Sur le principe, il y a donc apaisement. Sur Hadopi, j'ai été frappé de voir qu'en France, il reste un certain nombre de gens qui n'ont pas désarmé pour critiquer cette institution alors qu'elle a un effet d'entraînement considérable sur le plan pédagogique. A Hollywood, elle est considérée comme une amélioration dans la protection des droits. L'Hadopi contribue donc à pacifier l'ENVIRONNEMENT général ». Même constat pour Antoine Gallimard (directeur des éditons Gallimard), qui s’est également félicité de la loi sur le prix unique du livre numérique, tout en « espérant que NOS amis européens le comprendront ».
Invité de dernière minute, John Barlow (co-fondateur de L’Electronic Frontier Fondation) est connu pour avoir publié un manifeste : « Déclaration d’indépendance du cyberespace » en 1996, dans lequel il évoquait la nécessité de conserver certains principes d’ouverture d’Internet. Même s’il a été très applaudi, il n’a pas convaincu ses interlocuteurs après avoir proclamé : « si vous contrôlez certains aspects d’Internet, vous contrôlez tout ». Et quand il a affirmé que la liberté était plus importante à léguer à ses enfants que le droit de propriété intellectuelle, Jim Gianopoulos (président de la Century Fox) lui a rétorqué que le discours devait être libre mais que les films coûtaient de l'argent et qu’ils permettaient de créer des emplois. « Ce système est à la base du droit de création et du droit des auteurs » a conclu le ministre de la Culture.
Pascal Nègre (PDG d’Universal Music France), a souligné le fait que les industries créatives sont « une immense source de création d’emplois, de croissance et de revenus fiscaux » et qu’elles prennent des « risques » en misant sur de nouveaux talents. Dévoilant également l’idée précise de ce qu’il attend du G8 : « un nouvel âge de partenariat entre les Etats, l’industrie technologique et l’industrie artistique ». La salle a une nouvelle fois applaudi les paroles de John Barlow quand il a souligné que le paiement sans la propriété intellectuelle était jouable, et qu’il n’y a jamais eu autant de créateurs, grâce à Internet. « Il ne faut pas confondre droit d’auteur et rétribution des artistes » a-t-il expliqué. Le ministre lui a à nouveau répondu, « Pasolini n’aurait pas pu faire de film s’il n’avait pas touché une rétribution pour son travail. Pensons aux créateurs qui depuis le début de la création humaine ont besoin d’être rétribués au moment où elle se fait ».
Entre les représentants des « industries créatives » et les patrons d'entreprises de services web, des divergences fondamentales existent également. Eric Schmidt, le directeur exécutif de Google, l'a répété à plusieurs reprises: le problème du respect des droits d'auteur est avant tout une question technique, qui appelle des solutions du même ordre. Pour M. Schmidt, le modèle, c'est le système de filtrage de YouTube, qui repère automatiquement les vidéos protégées par le droit d'auteur. Une position que Christine Lagarde, la ministre de l'économie, a dit comprendre au cours de la même table ronde, mais qu'elle s'est refusée à endosser : à l'issue de la discussion, la ministre s'est désolidarisée d'une résolution affirmant que « le rôle des gouvernements est de fournir l'accès à Internet et non de réguler les contenus ».
Pierre Saussois.