L'Edito de Roland Fernet, directeur général de KBL Richelieu.
La croissance mondiale, qui s’est affichée en hausse de 4,8 % en 2010, devrait se poursuivre sur cette lancée cette année, et s’inscrire dans une fourchette comprise entre 3,5 % et 4 %. Mais, alors que la dynamique des pays émergents va un peu s’essouffler, en raison de la mise en place des politiques monétaires restrictives qu’appellent certains dérapages inflationnistes, la situation est très différente dans les pays avancés. Aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni, les politiques monétaires demeurent expansives pour faire face à la situation dégradée des finances publiques, et on ne craint pas d’y monétiser la dette pour contrer de puissantes forces déflationnistes à l’oeuvre. C’est le sens des annonces spectaculaires de la Réserve fédérale de début novembre, relayées depuis par ses homologues du Japon et de Grande-Bretagne. Au total, l’environnement économique mondial devrait rester assez stimulant, surtout si, comme nous le pensons, les États-Unis accélèrent encore le pas.
Pour tirer pleinement parti de cette conjoncture favorable, l’Eurogroupe devra réussir à stabiliser ses marchés financiers et rassurer les investisseurs sur la solidité de son système bancaire. En somme, il faut prendre la problématique à l’envers et faire porter l’effort sur la psychologie des marchés financiers pour que l’économie réelle suive. Le problème, bien sûr, est que les disparités sont fortes entre l’Allemagne et les derniers de la classe, Irlande et Grèce, qui ne représentent pourtant que 4,5 % du PIB de la zone. Ceci complique la tâche de la BCE, qui nous a cependant donné, le 2 décembre dernier, un échantillon de son pouvoir de dissuasion face à la spéculation qui s’acharnait sur les écarts de taux.
Dans cette bataille psychologique de reconquête de la crédibilité, aucun effort n’est à négliger. Mais si nous ne devions donner qu’un seul indicateur des progrès à accomplir, nous choisirions l’écart de taux Espagne-Allemagne sur l’échéance 10 ans, actuellement de 250 pb environ. L’Espagne pèse lourd (près de 12 % du PIB de la zone), et elle est ponctuellement plus vulnérable que l’Italie, dont les déficits annuels sont contenus. Si la dette espagnole pouvait attirer un nouvel intérêt en provenance de pays étrangers (la Chine, par exemple), sa situation et, par ricochet, celle de l’Eurogroupe en seraient profondément changées. On verrait alors probablement les banques de la zone euro reprendre des couleurs en bourse et la « spéculation » sur les écarts de taux reculer, ouvrant la voie à une normalisation véritable des marchés d’actions et, peut-être même, de l’économie.