
La Business School de l’ESCP, en partenariat avec Europe + Foundation, a accueilli mardi l’inauguration de l’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité. La décision de sa création a été fixée peu après la remise du rapport Morand-Manceau « Pour une nouvelle vision de l’innovation » à Christine Lagarde, Ministre de l’économie, des Finances et de l’Industrie, en 2009.
A l’origine de cette initiative, Pascal Morand, directeur général de l’ESCP Europe et Delphine Manceau, actuelle directrice de l’Institut et du Think Thank, créé à cette occasion. Le but : favoriser la création, la diffusion et l’échange de connaissances autour des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises en matière d’innovation dans sa diversité. Lors du Think Tank, de grands noms du business européen étaient réunis, comme Pierre Bergé, co-fondateur de Yves Saint Laurent, Pascal Colombani, président de Valeo, Giovanni Colombo, Executive Committee à l’EIT ou encore André Harari, président du conseil d’administration de Lectra. A leurs côtés figurent Odile Quintin, conseillère à la Commission Européenne et Stephan Schwarz, président de CRG Services Group.
Censés incarner la figure du business moderne, les sept invités semblent peu impressionnés par la foule qui s’entasse dans l’amphithéâtre. L’heure est aux congratulations et aux remerciements pour leur venue. Un point commun les relie : leur parcours. Tous occupent des places importantes dans de grandes entreprises européennes ou ont mis leurs années d’expérience au service de l’enseignement. Ils ont décidé de se rallier aujourd’hui autour d’un thème fédérateur.
Mais pourquoi l’innovation ? Selon Delphine Manceau, « cela représente le moyen de stimuler la demande à destination du grand public et des entreprises, en plus d’être un facteur-clé pour stimuler la croissance. C’est un moyen de dépasser la concurrence par les prix ». Point de vue rejoint par Christine Lagarde, parraine de l'initiative, qui devait être de la partie. Les auditeurs se verront simplement gratifiés d’une vidéo où la ministre semble hésitante. Il faut dire qu’elle connaît à peine le nom de l’institut, sur lequel elle trébuchera tout au long de son discours. Pourtant, une phrase se démarque du reste: « Si la France veut maintenir sa compétitivité, c’est par l’innovation qu’elle y arrivera ». Compétitivité et innovation, les mots sont lâchés. Véritables chevaux de bataille de la conférence, talonnés par la Recherche et le Développement, domaine sur lequel l’Europe se montre fragile comme le regrette Christine Lagarde : seulement 3% du PIB y est consacré. En effet, il importe de transformer les inventions en innovations puis de les commercialiser en associant design, créativité, marketing de l’offre, nouveaux usages et modèles économiques, protection des marques et des brevets. Un processus appuyé par Pierre Bergé, qui souligne que « la R&D ne doit pas être confondue avec l’innovation, qui doit jouer sur tous les fronts ».
Une pratique mise en œuvre par le PDG de CRG, Alan Schwartz, basé en Allemagne. L’homme d’affaires avait fait venir une grande couturière allemande pour habiller ses femmes de ménage, visant à « valoriser leur travail, mettre en avant la fierté de soi ». Mais est-ce vraiment ce qu’on pourrait appeler de l’innovation ? Ou n’est ce qu’un processus de communication pour son entreprise et ainsi améliorer son rendement ? Une question légitime soulevée au sein de la table ronde.
Pourtant, quand on parle d’innovation aux sept invités, l’enthousiasme reste modéré. La plupart du temps, les avis rejoignent les grands axes énoncés par la présidente de l’Institut lors du discours d’inauguration. Sinon, c’est un déballage successif des grands tournants de leurs vies, une biographie maitrisée surlignant le talent dont ils ont fait preuve pour arriver là où ils en sont.
Après de brefs échanges édulcorés sur l’Open Innovation, le design et la créativité, auxiliaires indispensables à la facilitation d’usage et donc à la commercialisation plus élargie, Pascal Colombani soulève le thème indissociable, selon lui, de l’innovation : la technologie. Elle représenterait la volonté d’apporter de nouvelles facettes à l’évolution de l’industrie et des secteurs tertiaires. Mais comme chacun, le sait, plus les tâches sont assurées par des machines, moins le besoin de main d’œuvre est nécessaire. L’innovation : produire plus avec moins de monde ? Le rendement plutôt que l’éthique ?
Toutefois, n’exagérons rien, le bilan n’est pas si sombre qu’il en a l’air. Derrière leur apparence trompeuse de businessmen discourant gentiment de l’avenir de ce monde, se cachent de grands hommes, à l’instar de André Harari, président de Lectra, qui a refusé de délocaliser son entreprise, allant au devant de graves ennuis financiers. Un geste de bravoure apprécié par la foule, qui sortira de sa torpeur pour l’acclamer.
« Innover, c’est avoir du courage » a joliment conclu Pierre Bergé.
Théo Garcin