BourseReflex : Pourquoi se tourner vers les pays émergents ?
Franck Bernard : Ces marchés émergents offrent un potentiel de croissance appréciable par rapport aux pays de l’ocde qui connaissent une reprise assez molle. La crise a quasiment été vécue comme un phénomène cyclique pour ces pays, tandis que pour les économies développées, elle apparaît davantage de nature systémique.
D’un point de vue macroéconomique, les déficits publics et la dette sont moins importants dans les émergents, la croissance y est plus forte. Il y a encore 10 ans, peu de pays émergents appartenaient à la catégorie dite d’investissement (niveau de risque faible). Aujourd’hui, plus de la moitié en font partie.
BR : Quelles sont les problématiques fortes de ces marchés ?
F.B : La problématique de l’inflation reste centrale. Le relèvement récent des taux directeurs en Inde (de 25 points de base, avec un taux "repo" à 5%, ndlr) annonce un mouvement de durcissement de la politique monétaire. On a observé un rattrapage phénoménal de la plupart de ces pays, le Brésil en tête, et les indicateurs avancés sont au plus haut. Il peut donc être judicieux de se repositionner en cas de légère correction.
Cela étant, les pays émergents souffrent d’un handicap, ce sont des marchés de flux. L’excédent d’épargne local investi en Bourse et l’afflux de capitaux occidentaux font que ce sont des marchés fragilisés et donc plus volatils. Ce bémol du risque doit donc être pris en compte.
BR : Vers quelles zones se tourner ?
F.B : Nous adoptons une approche qualitative qui fait que nous sommes attentifs aux fondamentaux. La zone des pays de l’Est affiche un certain retard à combler mais sa situation au regard de la dette publique est moins bonne. Le potentiel de croissance est également amoindri par la proximité avec l’Europe.
D’autres pays peuvent être à considérer dans une logique de diversification, comme l’Indonésie pour les matières premières ou l’Afrique avec des flux d’activités en provenance du Brésil ou de l’Asie. Plus simplement, l’Asie et la zone LatAm (Amérique centrale et du sud) sont à privilégier. D’une manière générale, un portefeuille investi en actions sur un horizon de moyen terme peut viser un ratio d’allocation sur les émergents de 15% environ.
BR : Les trackers (ou ETF) sont des fonds indiciels cotés. Négociables, ils répliquent la performance d’un indice (géographique ou sectoriel). Est-ce une bonne porte d’entrée pour les émergents ?
F.B : L’expérience a montré qu’il était très difficile de battre les indices sur une longue période. Les trackers sont des produits accessibles et faciles à manier. En outre, le délai d’exécution est court et les frais sont attractifs (entre 50 et 100 points de base contre 150 à 250 points pour des fonds activement gérés). Et vu qu’il n’y a pas de montant minimum, vous pouvez engager de petits capitaux.
L’offre est aujourd’hui variée avec des émissions régulières et la plupart des trackers sont éligibles au Plan Epargne Actions (PEA). Il faut toutefois garder en tête que lorsque vous achetez l’indice, vous achetez également les bulles potentielles. C’est l’inconvénient majeur de la gestion indicielle.
BR : Quelle stratégie adopter ?
F.B : Il n’y a pas de réponse unique. Combiner fonds actifs et trackers est une bonne solution. Les fonds avec des profils typés, adossés à une gestion discrétionnaire (stockpicking), sont à étudier, surtout lorsqu’on veut "tilter" sa performance. Cela peut être intéressant pour le Brésil par exemple. Sur des pays comme la Corée ou la Chine, il est plus difficile d’avoir une gestion marquée. Mieux vaut alors privilégier des trackers avec lesquels on pourra jouer une anticipation directionnelle.
A.D.