
Les leaders syndicaux sont sortis inquiets lundi du premier round de la concertation sur les retraites, reprochant au gouvernement, qui compte ficeler son projet d'ici juillet, d'agir dans la précipitation et de se focaliser sur l'âge de la retraite.
Deux jours avant la publication de nouvelles prévisions de déficit du système, l'ensemble des organisations patronales ont fait chorus pour refuser toute hausse des prélèvements.
Le chef d'orchestre de cette journée-marathon, le ministre du Travail Eric Woerth les a confortés. "Il y a un sujet sur lequel évidemment le gouvernement n'est pas ouvert, c'est l'augmentation des prélèvements", a-t-il déclaré, avant de justifier le calendrier: "il est temps de passer à l'action".

Le ministre a expliqué que la concertation se prolongerait par des réunions thématiques jusqu'en mai (pénibilité, emploi des seniors, mécanismes de solidarité pour la retraite, pilotage du système) et des réunions spécifiques sur les fonctionnaires.
Un premier "document d'options" sera sur la table en mai, rediscuté ensuite dans des groupes de travail. Un projet de réforme sera prêt "entre mi-juin et fin-juin", et sera examiné en juillet en Conseil des ministres, avant d'atterrir à l'Assemblée nationale en septembre.
François Chérèque (CFDT) a jugé cet agenda "trop court pour aller au fond des sujets". Selon lui, il présage d'une réforme se limitant à changer les paramètres de l'âge, ce qui risque "d'accentuer les inégalités" du système.
Offensif, Bernard Thibault (CGT) a suspecté le gouvernement de vouloir mettre les syndicats devant "le fait accompli", appelant les salariés à se mobiliser et à faire "un grand 1er mai" pour infléchir les projets du gouvernement.
Jean-Claude Mailly (FO) a soupçonné l'exécutif de vouloir "jouer sur l'effet Coupe du monde de football", de mi-juin à mi-juillet, pour faire passer la pilule.
Il a renouvelé sa proposition d'une journée de grève interprofessionnelle, s'attirant une réponse cinglante de Bernard Thibault, qui lui a reproché d'avoir fait cavalier seul ces dernières semaines.
Malgré ces divisions, la CGT, FO et la CFDT, tout comme la CFTC, ont réaffirmé leur attachement à la retraite à 60 ans, à laquelle seule la CFE-CGC pourrait renoncer en cas de "contreparties".
Autre motif de colère pour les syndicats: le gouvernement ferme selon eux la porte à de nouvelles ressources pour les retraites, prélevées sur les revenus du capital, en se focalisant sur l'âge et la durée de cotisation.
"On n'a rien, rien sur la question du financement, rien sur l'élargissement" des prélèvements, a tonné Jacques Voisin (CFTC).
La patronne du Medef, Laurence Parisot, a cherché à calmer le jeu en affirmant qu'il était "prématuré" d'évoquer les pistes possibles de réforme, comme le recul de l'âge, qu'elle a déjà appelé de ses voeux.

"Nous ne pouvons pas continuer à résoudre la question des retraites par une augmentation régulière des cotisations", a-t-elle tout de même affirmé.
Eric Woerth n'a pas exclu toute mesure sur les recettes, dans le cas de certaines professions ou activités "ne contribuant pas suffisamment au système de solidarité", sans en dire plus sur cette piste lancée jeudi par l'Elysée.
La partie s'annonce délicate pour la majorité, fragilisé par son échec cuisant aux élections régionales. Selon un sondage TNS-Sofres publié lundi, 56% des Français sont hostiles à un recul de l'âge de la retraite et 38% sont prêts à manifester.
L'UMP a annoncé une convention le 19 mai à l'Assemblée nationale, tandis que le porte-parole du PS Benoît Hamon a reproché au gouvernement de cultiver un "tabou du financement" pour les retraites.