La hausse du franc suisse, qui s'est fortement apprécié notamment face à l'euro ces derniers mois, risque de se poursuivre et les moyens conventionnels utilisés pour enrayer cette tendance n'ont pas été efficaces, se sont inquiétés jeudi les banquiers privés suisses.
"L'appréciation du franc suisse risque de se poursuivre aussi longtemps que les Etats-Unis continueront leur politique monétaire laxiste et que l'Europe n'aura pas trouvé de solution à ses difficultés", a expliqué Nicolas Pictet, associé de la banque privée du même nom.
Le financier a estimé que la politique de la Réserve fédérale américaine (Fed) poussait les investisseurs à se réfugier non seulement dans le franc suisse, mais aussi dans les devises des pays émergents et l'or, lors d'une conférence de presse de l'Association des banquiers privés suisses.
La hausse de la monnaie helvétique, qui a pris en un an plus de 15% face à l'euro, pose de graves problèmes aux exportateurs helvétiques qui vendent essentiellement vers l'Union européenne, faisant fondre leurs marges au fur et à mesure de l'appréciation de la monnaie suisse.
Mais les banques sont également touchées. "La dégringolade des principales monnaies face au franc pose (...) un grave problème de baisse des masses sous gestion et donc de baisse des revenus", a averti M. Pictet.
Face à cette hausse, également soutenue par la solidité des fondamentaux économiques suisses, les exportateurs n'ont guère d'autre choix que de renforcer leurs ventes vers d'autres pays notamment en Asie, ainsi que d'améliorer l'innovation et la valeur ajoutée de leurs produits, selon le banquier.
La Banque nationale suisse (BNS, banque centrale) "n'a pas réussi à enrayer le problème", a-t-il ajouté. L'institut d'émission est intervenu ces derniers mois sur les marchés pour tenter de freiner l'appréciation du franc, qui s'échangeait jeudi vers 12H35 GMT à 1,2777 franc pour un euro.
Après s'être fortement apprécié fin décembre 2010, la monnaie suisse s'est relâchée ces derniers jours, notamment après le succès mercredi de l'émission d'obligations portugaises.
"La chute enregistrée s'est produite au moment de l'adjudication de la dette portugaise, qui s'est finalement bien déroulée" et qui a permis au franc de remonter au dessus de la barre des 1,27 CHF/EUR, ont souligné les analystes de Pictet dans une note.
Malgré cette détente des taux de change, le gouvernement suisse a convoqué vendredi les acteurs économiques et sociaux de la Confédération afin de faire le point sur la hausse du franc.
Selon l'Union syndicale suisse (USS), environ 100.000 emplois sont menacés en Suisse par l'appréciation de la monnaie helvétique.