La "guerre des monnaies", qui menace selon certains experts la reprise mondiale, voit les principaux pays riches et émergents s'accuser mutuellement de manipuler les cours de leur devise en faisant fi de la coopération internationale.
Qu'est-ce que la "guerre des monnaies"?
Le 27 septembre, le ministre brésilien des Finances Guido Mantega affirme que son pays est "au milieu d'une guerre des changes". L'expression fait rapidement florès.
Alors que les marges de manoeuvre budgétaires et monétaires classiques sont réduites pour soutenir la reprise, plusieurs pays jouent de l'arme des taux de change, de manière plus ou moins assumée. La dépréciation d'une monnaie, voire sa sous-évaluation, permet de doper les exportations et donc de donner un coup de pouce à l'économie. principal problème: cette politique est menée au détriment des partenaires commerciaux et accentue les déséquilibres. On est loin de la "croissance équilibrée" prônée par le G20.
Le yuan, à la source du conflit?
La monnaie chinoise cristallise le bras de fer. Les partenaires commerciaux de la Chine, au premier rang desquels les Etats-Unis et l'Europe, accusent depuis des années Pékin de maintenir artificiellement bas le niveau du yuan. Selon Washington, les autorités chinoises freinent l'appréciation naturelle du yuan en achetant des devises étrangères - la Chine avait au 30 juin les plus grandes réserves de devises du monde, avec près de 30% du total, soit 2.447 milliards de dollars.
Le Trésor américain admet toutefois que le yuan s'est apprécié d'environ 3% par rapport au dollar depuis le 19 juin, date à laquelle la Chine a annoncé qu'elle le laissait fluctuer un peu plus librement face au billet vert.
Qui accuse qui, et de quoi?
La Chine n'est pas seule sur la sellette et les accusations mutuelles fusent de toutes parts. Quelques exemples:
- Pour Pékin, les Américains font du yuan un "bouc émissaire" de leurs difficultés économiques.
- Etats-Unis et Europe s'en prennent aussi à l'interventionnisme d'autres pays émergents, comme le Brésil, qui cherche à entraver l'appréciation de sa monnaie, le real.
- Le Japon, intervenu mi-septembre pour tenter de faire baisser le yen, accuse la Corée du Sud d'en faire autant pour le won.
- L'Europe soupçonne Washington de se satisfaire de la baisse du dollar, car elle stimule les exportations américaines au moment où la reprise patine...
L'assouplissement quantitatif, ou quand la planche à billets tourne
Selon le Financial News, quotidien économique à Pékin, "la raison fondamentale de cette guerre des monnaies est que la Réserve fédérale américaine fait tourner la planche à billets". Car pour relancer la machine économique, les Etats-Unis ont inondé le système financier de liquidités.
Cette politique monétaire, accompagnée de taux d'intérêt à court terme au plancher aux Etats-Unis, contribue à la faiblesse actuelle du dollar.
La Fed envisage d'aller plus loin, avec des mesures qui portent le nom d'"assouplissement quantitatif" ("quantitative easing"): la planche à billets tournerait encore plus vite. Si le dollar reste faible, le revers, c'est-à-dire des importations plus chères et donc un regain d'inflation, se transformerait en avantage aux yeux de la Fed qui redoute plus que tout la déflation.
Mouvements de capitaux et spéculation
Les capitaux étrangers affluent vers les pays émergents, notamment asiatiques, qui jouissent d'une croissance insolente malgré la récente crise. Ces mouvements, parfois spéculatifs, contribuent à pousser à la hausse les monnaies régionales - hormis le yuan, arrimé au dollar par un taux de change contrôlé par Pékin. Le Brésil, la Thaïlande ou encore la Corée du Sud ont donc pris des mesures pour essayer de ralentir l'entrée de capitaux.