
La guerre s'est ouverte mardi entre les ennemis français de la distribution Carrefour et Casino, qui se disputent le marché brésilien, en forte expansion et placé au centre de leurs stratégies de croissance.
Après des semaines de méfiance réciproque et d'observation, c'est le numéro deux mondial de la distribution, Carrefour, qui a officiellement lancé les hostilités.
Il a annoncé avoir reçu une "proposition" de la société brésilienne Gama, détenue par le fonds BTG Pactual avec l'appui financier de la Banque nationale brésilienne de développement (BNDES), pour créer une coentreprise au Brésil, deuxième pays contributeur à son chiffre d'affaires après la France, avec des ventes de 3,3 milliards d'euros au premier trimestre.
Cette opération supposerait la prise de contrôle par Gama du distributeur CBD Pao de Açucar, actuellement contrôlée par la famille Diniz et Casino via une holding, Wilkes, puis la fusion des actifs de CBD avec ceux de la filiale brésilienne de Carrefour.
Le but est de créer un géant brésilien de la grande distribution avec un chiffre d'affaires de 30 milliards de dollars et une part de marché estimée à 30%.
En contrepartie, Gama deviendrait un actionnaire de référence de Carrefour avec environ 18% du capital, sans droits de vote toutefois.
Seul hic, le projet doit recevoir le feu vert des actionnaires de CBD, autrement dit de Casino.
"L'opération est séduisante pour Carrefour mais la prise de contrôle de CBD par Gama nous semble problématique sans l'accord de Casino, pour qui CBD est un actif primordial et l'un des principaux moteurs de sa croissance", relève le courtier Aurel BGC.
La famille Diniz, qui s'est dite prête à apporter ses titres à l'offre, devrait donc dénoncer l'accord scellé avec Casino pour le rendre caduque.
"Ce n'est pas le style de (Jean-Charles) Naouri, (le pdg de Casino) d'abandonner", a confié à l'AFP Gilles Goldenberg, consultant indépendant.
Un temps pris de court, le groupe stéphanois de la distribution a par la suite fustigé un projet "hostile", accusant son rival de manquer "d'éthique des affaires" et lui a rappelé qu'il "a le pouvoir de s'(y) opposer", d'autant plus qu'il doit normalement prendre le contrôle de CDB en 2012 suivant des accords signés en 2005 avec les Diniz.
La famille Diniz s'était aussi engagée à ne pas céder ses actions du holding pendant une période de 9 ans à compter de la date de réalisation de l'opération, soit pas avant 2014, affirme-t-on chez Casino.
Officiellement, le groupe stéphanois va examiner "dans les prochains jours" les armes de sa défense, mais selon une source proche du dossier il va engager une procédure auprès des autorités brésiliennes de la Concurrence en arguant de la position dominante de la nouvelle entité fusionnée dans des villes comme Rio de Janeiro et Sao Paulo.
CBD est numéro un sur le marché brésilien de la distribution et la filiale locale de Carrefour y est numéro deux.
"C'est une guerre qui va durer de longs mois", avance cette source qui a requis l'anonymat.
CBD est un enjeu stratégique puisqu'il a réalisé en 2010 un chiffre d'affaires de 13,7 milliards d'euros, dans son réseau de 1.647 magasins.
Casino a engagé, fin mai, devant la Chambre de commerce internationale, une procédure d'arbitrage pour rappeler à l'ordre Diniz, soupçonné déjà de discuter avec Carrefour.
A sa demande, le Tribunal de commerce de Nanterre a fait mettre sous séquestre la semaine dernière 22 documents saisis chez Carrefour relatifs aux discussions sur l'avenir de CBD.
A la Bourse de Paris le titre Carrefour gagnait 2,34%, alors que l'action Casino chutait de 5,46%.
Les synergies d'un rapprochement CDB-Carrefour sont estimées entre 600 et 800 millions d'euros, selon CM-CIC.
"Ce serait un mouvement positif pour Carrefour après les déboires connus en France", estime M. Goldenberg.