Plusieurs géants de l'industrie japonaise se disent aujourd'hui incapables d'établir des prévisions pour les mois à venir, après le séisme et le tsunami du 11 mars qui ont donné un brutal coup d'arrêt au dynamisme économique.
"Bien que le tremblement de terre soit survenu à la fin du trimestre de janvier à mars, la contraction de l'activité après le séisme sera suffisamment forte pour rejaillir sur l'évolution du produit intérieur brut (PIB) de cette période", estime Ryutaro Kono, chef économiste pour le Japon chez BNP Paribas.
Au dernier trimestre 2010, le PIB de la troisième puissance économique mondiale avait déjà reculé de 1,3%, en raison notamment de la hausse du yen et de l'arrêt d'une subvention à l'achat de véhicules écologiques qui avait dopé les affaires dans les mois précédents.
En mars, la production industrielle et la consommation se sont effondrées après la catastrophe qui a dévasté le nord-est de l'archipel, désorganisé l'activité économique et plongé la population dans l'angoisse, comme l'a montré la chute record de l'indice de confiance des consommateurs dans les semaines suivantes.
Les pertes exceptionnelles essuyées par les entreprises en raison du tremblement de terre et du raz de marée sont estimées à 2.000 milliards de yens (17,26 milliards d'euros), selon le grand quotidien économique japonais Nikkei.
L'impact sera durable et se fera sentir jusqu'au troisième trimestre au moins, selon les économistes.
"Les résultats des entreprises pâtiront (de la catastrophe) jusqu'à la période de juillet à septembre", estime Hiroshi Watanabe, économiste à l'Institut de recherche Daiwa.
Selon lui, "l'économie ne se redressera qu'après les mois d'octobre à décembre, grâce au secteur de la construction" et à un retour à la normale des livraisons de pièces détachées".
Plusieurs fabricants de composants et matériaux essentiels possèdent des installations dans le nord-est du pays, la région dévastée par le tremblement de terre de magnitude 9 et la vague géante qui l'a suivi.
Les dégâts directs, les perturbations dans les chaînes d'approvisionnement, le rationnement de l'essence ou encore les problèmes d'électricité ont obligé nombre d'entreprises, telles que Sony ou Toyota, à fermer temporairement leurs usines ou à ralentir leurs lignes de production.
La situation n'est pas encore rétablie et les autorités vont imposer aux firmes comme aux particuliers de réduire leur consommation électrique de 15% cet été à cause d'une capacité électrique mise à mal, un frein aux conséquences difficiles à évaluer.
Tokyo Electric Power (Tepco), qui distribue l'électricité du Kanto, le poumon économique de l'archipel comprenant la mégapole de Tokyo et ses 35 millions d'habitants, s'efforce de venir à bout de l'accident nucléaire dans sa centrale de Fuskushima.
Au total, 14 réacteurs alimentant habituellement Tepco sont arrêtés, sans compte ceux de la compagnie qui dessert le nord.
Qui plus est, le Premier ministre Naoto Kan a également exigé l'arrêt d'une autre centrale, celle de Hamaoka, dans le centre du pays.
A cause de ces perturbations, plusieurs grands groupes ont renoncé à donner des prévisions pour les prochains mois.
Toyota a indiqué la semaine dernière que sa production, entravée par le séisme, augmenterait peu à peu à partir de juin. Le retour des cadences à 100% ne se fera qu'en novembre ou décembre.
L'incertitude planant sur ses affaires l'empêche d'établir toute prévision financière, a-t-il ajouté. Même son de cloche chez Honda et Nissan, confrontés eux aussi à une pénurie de pièces détachées, ou chez les groupes d'électronique.
"Les constructeurs automobiles japonais vont peut-être plonger dans le rouge au premier trimestre" de l'année budgétaire en cours (avril-juin), "mais ils devraient se redresser nettement d'ici la fin de l'exercice", prévoit cependant l'analyste Mamoru Kato.