Le groupe français d'électronique Thales a ouvert mardi une nouvelle page de son histoire avec la nomination de Luc Vigneron comme patron, un PDG de compromis choisi par l'Etat et Dassault Aviation, son nouveau grand actionnaire privé.
Le départ de Denis Ranque, aux commandes de Thales depuis 11 ans, était attendu avec l'entrée au capital de Dassault Aviation, dont il n'avait pas les faveurs. Dassault doit devenir le deuxième actionnaire derrière l'Etat en rachetant la participation de 20,8% d'Alcatel-Lucent.
Annoncée à l'ouverture de l'assemblée générale de Thales, la nomination de Luc Vigneron, patron du groupe d'armement terrestre public Nexter (ex-Giat), met fin à des mois d'incertitude.
Ce changement s'accompagne d'un renouvellement en profondeur du conseil d'administration, qui compte désormais quatre administrateurs (sur seize) proposés par Dassault Aviation, dont le PDG de Dassault Aviation Charles Edelstenne.
Le départ de M. Ranque, un an avant la fin de son mandat, malgré un bilan jugé unanimement positif, était inévitable avec l'arrivée de Dassault: "une évolution de management était nécessaire dans la nouvelle ère que va connaître Thales", a affirmé Bruno Bézard, directeur de l'Agence des participations de l'Etat (APE), lors de l'assemblée des actionnaires.
L'Etat (27%) et Dassault, largement majoritaires au capital de Thales et liés par un pacte d'actionnaires, pouvaient à eux seuls décider de l'avenir de la direction de l'entreprise.
Dassault aurait notamment reproché à M. Ranque son peu d'entrain devant son entrée au capital de Thales.
A l'origine, Dassault Aviation voulait remplacer M. Ranque par François Quentin, ancien directeur général de la division aéronautique de Thales, débarqué en janvier. Mais ce candidat n'a pas été retenu par l'Etat et la nomination de M. Vigneron apparaît comme une solution de compromis.
L'Etat avait fait savoir officiellement la semaine dernière qu'il soutenait la candidature de Luc Vigneron.
"J'aurais été prêt pour ma part à travailler avec Dassault Aviation, je comprends aussi que les actionnaires souhaitent tourner une page", a commenté M. Ranque, jugeant que "c'est la règle du capitalisme".
"J'arrive sans préjugé, sans instruction particulière mais aussi sans contrainte particulière", a assuré Luc Vigneron, pour sa première prise de parole comme PDG de Thales.
"Ayant passé l'essentiel de ma carrière dans des entreprises de haute technologie, je ne me sens pas dépaysé par ce qui m'attend", a-t-il aussi déclaré.
Nexter, le constructeur du char Leclerc, qu'il dirigeait jusqu'alors, est un fabriquant d'armement terrestre de taille beaucoup plus modeste et nettement moins internationalisé que Thales.
Avant de passer la main, M. Ranque lui a conseillé de travailler dans la "continuité" de son propre travail, qui a été marqué par une forte internationalisation de Thales.
Le groupe, qui a réalisé 12,66 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2008, emploie aujourd'hui la moitié de ses 68.000 salariés hors de France.
M. Vigneron a aussi indiqué qu'il démissionnait de son poste de président de la Société de gestion de participations aéronautiques (Sogepa), qui porte les 15% de l'Etat français dans le groupe européen EADS.
Il devrait démissionner de Nexter dès que l'Etat lui aura trouvé un successeur à la tête du groupe public.