Rumeur sera le mot de la semaine à la Bourse de Paris. Dévastatrice pour les banques, elle permet aujourd'hui à Carrefour d'enregistrer la plus forte progression de l'indice CAC 40 avec un gain de 5,6% à 18,94 euros. Le numéro un mondial de la distribution, Wal-Mart Stores aurait mandaté UBS comme banque conseil en vue d'étudier un éventuel rachat de Carrefour Brésil, qui regroupe les activités brésiliennes du groupe français selon les sources de l'agence Reuters. Une telle opération donnerait naissance au plus grand acteur du secteur de la distribution dans ce pays.
Wal-Mart aurait déjà proposé de racheter Carrefour Brésil en 2009, mais sa proposition avait été jugée insuffisante.
Mardi dernier, le journal brésilien Valor Economico affirmait que Wal-Mart était en négociations en vue d'acquérir les activités de Carrefour au Brésil. Une source proche du dossier avait indiqué à Reuters que ces rumeurs étaient « sans fondement ».
En juin, le management du distributeur français avait déclaré qu'il n'envisageait pas de céder ses actifs au Brésil. Mais la direction de Carrefour est sous la pression de l'actionnaire de référence du groupe, Blue Capital, afin de créer de la valeur. Ce dernier souhaite en effet recouper les lourdes pertes de son investissement. Comme pour le projet repoussé d'introduction en Bourse de l'immobilier de Carrefour, l'objectif est de faire ressortir la valeur « cachée » des actifs du groupe en les cédant ou en les introduisant en Bourse. Un sort déjà évoqué par les analystes pour les actifs de Carrefour en Chine et au Brésil.
(C.J)
AOF - EN SAVOIR PLUS
Les points forts de la valeur
- Carrefour est le deuxième distributeur mondial, derrière l'américain Wal-Mart, et premier distributeur européen ;
- La marque Carrefour bénéficie d'une forte notoriété ;
- Lars Olofsson, à la tête de Carrefour fin 2008 et dont les pouvoirs ont été renforcés à l'issue de l'AG du 21 juin 2011, a imposé au groupe un virage stratégique majeur : recentrage sur la marque Carrefour et politique de prix plus bas et plus constants ;
- Les activités internationales (50% du chiffre d'affaires) sont plus dynamiques et plus profitables en moyenne que celles des pays matures.
Les points faibles de la valeur/=
- La confiance des investisseurs a été entamée par deux avertissements sur résultats en deux mois au second semestre 2010 et la contre-performance persistante des hypermarchés au Brésil ;
- Le projet de cotation du pôle immobilier Carrefour Property (pour le moment reporté) et celui d'indépendance de Dia, la branche discount, annoncés début mars 2011 suscitent la plus grande réserve de la part des analystes qui estiment que ces choix ne sont pas favorables au groupe : la 1ère opération risquerait d'entraîner des charges opérationnelles très lourdes pour les hypermarchés européens et de renchérir le coût du crédit pour le groupe tandis que la 2nde fera sortir Carrefour d'une activité à très fort potentiel, notamment dans les pays émergents ;
- Le départ de Jean-Martin Folz de son poste d'administrateur et de vice-président est un indice de divergence également en interne, qui soulève une fois de plus les problèmes de gouvernance chez Carrefour ;
- Les difficultés dans les hypermarchés, du fait du changement des habitudes de consommation en France avec un attrait plus grand pour les magasins de proximité, restent l'une des principales préoccupations des investisseurs. Le nouveau format d'hyper « Carrefour Planet » peine à convaincre ;
- Les conditions de marché sont structurellement difficiles en France (forte présence des indépendants/franchisés), en Belgique (présence marquée des discounters) et en Italie (prédominance du commerce traditionnel), qui sont 3 des principaux marchés du groupe ;
- Certains se demandent également si la stratégie de pratiquer des prix plus bas ne va pas peser sur sa solidité financière. La dette nette du groupe s'est déjà nettement alourdie à près de 8 milliards d'euros en 2010 ;
- Le poids des pays émergents dans le chiffre d'affaires est beaucoup plus faible que Casino.
=/Comment suivre la valeur/=
- Remettre en ordre de marche le pôle « France » est primordial. Le nouveau directeur nommé en juin 2011 aura la lourde tâche de remotiver les équipes et de mieux piloter la tactique commerciale de l'enseigne ;
- A suivre également le déploiement des « Carrefour Planet », tout nouveau concept d'hypermarchés visant à reconquérir la clientèle ;
- En cas d'échec des chantiers européens du groupe, les analystes n'excluent par la vente des actifs de Carrefour dans les pays émergents. Mais cela serait dommageable pour les perspectives de croissance du groupe à moyen terme ;
- Les actionnaires de référence (Groupe Arnault et Colony Capital) exercent une forte pression sur la stratégie du groupe ;
- La consommation de produits alimentaires est traditionnellement peu cyclique mais les habitudes de consommation ont fortement évolué ces dernières années ;
- Toutes les crises alimentaires auxquelles le public est de plus en plus sensible sont susceptibles de peser sur les ventes (vache folle, grippe aviaire, maîs transgénique).
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Distribution généraliste
Tout l'enjeu d'une croissance durable pour les grands acteurs français, que sont Carrefour et Auchan, repose notamment sur la relance de leurs hypermarchés français. Ils représentent le coeur de l'activité de ces groupes, d'où leur intérêt stratégique. Pourtant, alors qu'ils constituent le premier contributeur à son chiffre d'affaires et à son résultat, les hypermarchés français de Carrefour n'ont cessé d'enregistrer des performances décevantes par rapport à la concurrence. Pour réinventer l'hypermarché, Carrefour vient de lancer un nouveau concept : Carrefour Planet. L'objectif est de permettre au client de ne plus envisager les courses comme une corvée. Ce nouvel hypermarché s'organise autour de neuf univers dont la beauté, le bio, le marché (produits frais), ou les loisirs, et s'inspire du grand magasin, multi-spécialiste. De grandes marques (L'Oréal, Apple, Coca Cola) ont investi ce nouveau concept avec des stands dédiés.