
Conflits sociaux, condamnation en justice, mise en doute de la stratégie: le groupe Carrefour a accumulé cette semaine les déboires avant d'admettre en catimini que ses résultats au premier semestre ne seraient pas à la hauteur, faisant chuter son cours de Bourse.
En une semaine, l'action Carrefour a perdu près de 6,5% et se retrouve à son plus bas niveau depuis deux ans, autour de 27 euros.
Cela représente une forte moins-value pour les deux principaux actionnaires, le fonds Colony Capital et l'homme d'affaire Bernard Arnault (14% du capital et 20% des droits de vote à eux deux), entrés au capital en mars 2007 alors que l'action cotait 53 euros.
La dégringolade du titre tombe au plus mal alors que le numéro deux mondial de la distribution réunit mardi ses actionnaires pour faire approuver le projet de scission totale de sa branche discount Dia.
En annonçant jeudi soir des nominations stratégiques --celles de son directeur exécutif France, Noël Prioux, et de son directeur exécutif Europe, Thomas Martin Hübner-- le groupe a glissé que ses "résultats au premier semestre, dans un ENVIRONNEMENT difficile, (étaient) inférieurs aux attentes de (sa) direction générale".
Cette formule laconique a fait réagir les marchés dès l'ouverture du marché, le lendemain. Le titre a ainsi perdu près de 6% en début de séance avant d'effacer une partie de ses pertes. Il a finalement reculé de 1,66% à 27,28 euros, enregistrant la plus forte baisse du CAC 40.
Depuis, le distributeur a précisé qu'il tablait sur une chute de 35% de son résultat opérationnel courant au premier semestre en France, mais qu'il maintenait son objectif de croissance de chiffre d'affaires et de ses résultats sur l'année.
"Alors que le groupe est en plein développement de son nouveau format d?hyper, la conjoncture reste très dégradée en France (40% de ses ventes) et surtout, la concurrence semble s?intensifier avec une guerre des prix larvée initiée par Leclerc", explique Jean-Marie L'Homé du courtier Aurel.
L'argument du distributeur est toutefois "un peu court", estime Christian Devismes du Crédit Mutuel-CIC, jugeant que si Carrefour souffre en France, ce sont ses difficultés internes qui finissent par lui nuire. Et de qualifier le numéro deux mondial de "bateau ivre".
Carrefour a récemment suspendu son projet controversé de cotation de son immobilier et annoncé le limogeage-surprise de son responsable pour la France, deux mois après la défection de son responsable Europe.
En outre, des débrayages ont eu lieu ces dernières semaines dans ses supermarchés Carrefour Market sur des revendications salariales, avant que les syndicats ne signent un protocole de fin de conflit.
Pour couronner le tout, le distributeur a été condamné mardi soir par le tribunal d'Evry à 3,66 millions d'euros d'amendes pour non-respect du Smic.
Dans ce contexte, "seule compte la remise en ordre de la maison France. Il n?est pas interdit d?espérer que le conseil d?administration ait fini par l?admettre", affirme l'analyste du Crédit Mutuel-CIC.
La direction de Carrefour a "les bras liés par les deux actionnaires financiers", selon Fabrice Rémon, directeur général du cabinet Deminor. Il déplore que le groupe soit "géré actuellement dans une optique purement financière à court terme".
Malgré une chute de 11% depuis le début de l'année, l'action Carrefour reflète déjà les résultats décevants du premier semestre, selon les analystes de Citi. "Il est du domaine public que les résultats en France sont sous pression et que le concept" des hypermarchés rénovés Carrefour Planet "est une déception", développent-ils, en recommandant de "conserver" le titre.
Chez Aurel, on estime qu'il faut continuer à acheter des titres Carrefour car il pourrait y avoir de la spéculation à l?approche de l?assemblée générale mardi et le démantèlement du groupe pourrait se poursuivre.