La riposte des héritiers du groupe Hermès pour verrouiller leurs actions et contrer l'appétit de l'homme d'affaires Bernard Arnault (LVMH), entretient un suspense dans la guerre de positions entre les deux groupes, tout en pesant sur le cours du titre.
"La vie n'est plus un long fleuve tranquille pour Hermès", a résumé lundi pour sa part une source proche du dossier, pour illustrer les affres que traverse la vénérable maison de luxe française, depuis l'arrivée fracassante dans son capital, fin octobre, de l'homme d'affaires, réputé pour "ses coups".
Depuis le 26 octobre dernier, l'action Hermès, qui avait d'abord plébiscité l'arrivée de Bernard Arnault, a perdu 25% de sa valeur, au fur et à mesure que la famille exprime son hostilité à l'homme d'affaires. Lundi, le titre perdait encore 1,8% à 147 euros à 15h40 dans un marché stable.
Dimanche soir, le groupe Hermès a publié un communiqué dans lequel il annonce que la famille, contrôlant directement et indirectement 73% du capital, avait décidé de créer une holding de contrôle, devenant ainsi une forteresse imprenable pour tout prédateur.
La famille compte également être dispensée de l'obligation de faire une OPA sur tout le capital, comme la loi l'obligerait en principe, et a demandé une dérogation à l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Une décision ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines, selon une source proche du dossier.
La publication du communiqué d'Hermès a provoqué la colère de Colette Neuville, présidente de l'ADAM (association de défense des petits porteurs), qui refuse "ces petits arrangements familiaux".
"Quand on est coté en bourse, il y a des règles à respecter, notamment l'information des petits actionnaires", s'est-elle insurgée lundi. Et de relever en outre que la famille "réaffirme le contrôle" du groupe, soit "exactement le contraire de ce qui avait toujours été dit".
"Il y a un vrai problème sur l'information du groupe, et je vais demander une enquête à ce sujet à l'AMF", a-t-elle ajouté.
Le dossier Hermès occupe bien l'AMF, qui a déjà décidé d'enquêter sur les conditions dans lesquelles Bernard Arnault a réussi à collecter 17,1% du capital, sans en informer le marché.
A présent, l'AMF doit se prononcer sur la dérogation demandée par Hermès.
Les dispenses d'OPA ne sont pas des décisions exceptionnelles. Sur les deux dernières années, l'AMF en a accordé 55.
Si l'AMF accorde cette dérogation, Mme Neuville a d'ores et déjà annoncé qu'elle déposerait un recours. "C'est la Cour d'appel qui tranchera", a-t-elle déclaré.
De son côté, le président du conseil de gérance d'Hermès, Bertrand Puech, s'est déclaré "confiant" quant à l'obtention de cette dérogation, dans un entretien au Monde.
Tous les héritiers de Thierry Hermès, le fondateur du groupe, détiennent actuellement 73,4% du capital d'Hermès mais chacun n'en possède pas plus de 5%. Bernard Arnault est le plus important actionnaire individuel, avec 17,1%.
Dans un premier temps, la famille Hermès avait demandé au PDG de LVMH, de revendre sa participation, ce qu'il a refusé.
La création de cette holding est une nouvelle parade contre l'homme d'affaires. Selon M. Puech, avec cette future structure, "LVMH ne pourra pas prendre le contrôle du groupe" Hermès. Interrogé, un porte-parole de LVMH s'est refusé à tout commentaire sur cette annonce d'Hermès.
L'action Hermès a été introduite en bourse en 1993 et a connu une formidable croissance, jusqu'à ces dernières semaines. Celui qui a eu la bonne idée d'investir dans la société il y a 17 ans, a vu son capital multiplié par plus de 50. Une performance qui explique l'appétit de son concurrent.