Ubisoft décroche de 21,20% à 7,60 euros et affiche de loin le plus fort repli du SBF 120. L'éditeur de jeux vidéo est victime de comptes plus dégradés que prévu au premier semestre et de l'annonce d'un point mort plus élevé. Le groupe a notamment annoncé une charge de 62,1 millions liée à l'abandon de certains projets. Plusieurs analystes ont marqué leur déception en abaissant leur recommandation sur la valeur. Deutsche Bank est ainsi passé d'Acheter à Conserver, CM-CIC Securities d'Achat à Conserver et Oddo d'Accumuler à Alléger. Ce dernier évoque des problèmes structurels.
Ubisoft a terminé les six premiers mois de son exercice 2010-2011, clos fin mars, sur une perte nette de 89,9 millions d'euros, contre une perte 52 millions un an plus tôt. La perte opérationnelle courante s'est établie à 64,9 millions, à comparer avec une perte de 77,5 millions il y a un an. Selon Cheuvreux, le consensus était de - 38 millions d'euros. Le chiffre d'affaires a atteint 260 millions d'euros, en hausse de 46% à taux de change constants.
Evoquant « des signaux positifs pour la période de Noêl », Ubisoft a confirmé attendre une croissance du chiffre d'affaires, un retour à la rentabilité et une génération de trésorerie positive sur l'exercice clos fin mars 2011.
Le groupe a cependant averti que le point d'équilibre pour le résultat opérationnel courant est dorénavant estimé à environ 960 millions d'euros, contre 900 millions d'euros auparavant. Ce point mort plus élevé s'explique notamment, selon le groupe « par un mix produits davantage tourné vers les produits casuals, qui nécessitent davantage de marketing et de royalties ».
Oddo estime qu'Ubisoft est déjà rattrapé par ses vieux démons au nombre desquels il cite ses problèmes structurels de rentabilité et des problèmes de qualité pour certains jeux (HAWX, RUSE...) dans un marché hyper-sélectif.
(C.J)
AOF - EN SAVOIR PLUS
Les points forts de la valeur
- Ubisoft est devenu l'un des plus importants créateurs de marques du secteur des jeux vidéo. Chaque lancement est un pari risqué, mais assure une récurrence du chiffre d'affaires et une marge plus importante que les licences.
- Ubisoft opère un virage stratégique vers un modèle plus rémunérateur et moins risqué : l'éditeur se recentre vers les jeux haut de gamme avec le lancement plus régulier de franchises majeures tout en réduisant les investissements dans de nouvelles créations, le tout à effectif constant. Il se concentre également sur les consoles Sony et Microsoft.
Les points faibles de la valeur
- Le consensus de marché est très dispersé sur 2010-2011, illustrant la difficulté à anticiper la configuration du prochain exercice pour Ubisoft. Seul le jeu Assassin's Creed semble actuellement en mesure de se démarquer face à la concurrence.
- Les effets de la stratégie de repositionnement d'Ubisoft sur ses principales marques ne seront, selon les analystes, pas visibles avant la mi-2011, au mieux.
- Le challenge du groupe est de réussir à tenir ses marques et idéalement de les rendre plus fortes. Un déclin des marques aurait un effet désastreux sur la profitabilité du groupe compte tenu de l'inflation des coûts de production.
- L'ENVIRONNEMENT de marché reste difficile, très concurrentiel sur le haut de gamme, avec des pressions prix sur le casual.
- La visibilité sur les jeux Wii reste incertaine. Ubisoft pâtit à la fois d'un problème de différenciation de ses jeux et de faiblesse du segment : seules les superproductions propres à Nintendo se démarquant actuellement.
- Ubisoft est encore très peu présent dans les MMO (jeux en ligne massivement multi joueurs).
Comment suivre la valeur
- Le succès de la société dépend avant tout de la solidité de son catalogue. La présentation des jeux en instance de sortie se fait notamment lors des salons professionnels comme l'E3 (Electronic Entertainment Expo) à Los Angeles.
- La fin d'année est cruciale pour tous les éditeurs de jeux vidéos, qui réalisent la majeure partie de leur chiffre d'affaires entre septembre et janvier (avec un pic pour les fêtes de fin d'année).
- La tendance du marché américain des jeux vidéos préfigure généralement de quelques mois celle du marché européen.
- Le mouvement de concentration du secteur est engagé et devrait s'accélérer. La valeur est par ailleurs spéculative. L'éditeur américain de jeux vidéo Electronic Arts aurait engagé cet été la cession de ses 15% au capital d'Ubisoft. L'Américain avait créé la surprise en décembre 2004 en s'invitant au capital de son concurrent. La famille fondatrice, les Guillemot, détient 11% du capital.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Informatique - Jeux vidéo
La dématérialisation des jeux vidéo est désormais bien avancée. Selon le cabinet d'études NPD, les ventes de jeux vidéo en téléchargement rivalisent avec celles des jeux physiques sur PC. En 2009, aux Etats-Unis, 21,3 millions de jeux pour ordinateurs ont été téléchargés, contre 23,5 millions de jeux physiques vendus sur la même période. La valeur des ventes en distribution physique décline fortement, comme le souligne le recul de 23%, à 538 millions de dollars, en 2009 des ventes de jeux physiques pour PC aux Etats-Unis. Toutefois le prix moyen des jeux en téléchargement est sensiblement inférieur à celui des jeux traditionnels, leur valeur ne s'établissant qu'à 36% du chiffre d'affaires des jeux pour PC. En France, la dématérialisation est encore plus poussée qu'aux Etats-Unis. Selon GfK, les ventes de jeux à télécharger devaient représenter en 2009 environ 250 millions d'euros, dépassant pour la première fois le chiffre d'affaires des jeux physiques (167 millions d'euros), grâce au succès des jeux multijoueurs comme World of Warcraft, Habbo ou Dofus.