Des fonds canadiens ont remporté vendredi pour 2,4 milliards d'euros l'exploitation de la seule ligne à grande vitesse du Royaume-Uni, qui relie Londres au tunnel sous la Manche, coiffant ainsi au poteau le groupe Eurotunnel, qui faisait figure de grand favori.
A l'issue d'un appel d'offres lancé en juin, et qui a donné lieu à plusieurs tours d'enchères, le gouvernement britannique a décidé de concéder la gestion de la ligne durant 30 ans à deux fonds de pension de la province de l'Ontario, l'OMERS et l'OTPP.
Le consortium vainqueur a coiffé au poteau plusieurs groupements rivaux, dont un mené par le Français Eurotunnel, qui exploite déjà le tunnel sous la Manche et avait longtemps fait figure de favori.
Malgré ce revers, Eurotunnel s'est déclaré indirectement gagnant.
"Nous sommes dans une configuration où même si l'on n'a pas gagné, c'est quand même favorable à Eurotunnel", a dit à l'AFP une porte-parole du groupe, soulignant que le nouveau gestionnaire aura à coeur de développer la fréquentation de la ligne, ce qui gonflera celle du tunnel.
De plus, Eurotunnel a sous-entendu que le prix payé démontrait que sa propre capitalisation boursière (3,8 milliards d'euros) ne réflétait pas sa valeur réelle.
Une source proche du dossier a quant à elle estimé que le groupe français avait peut-être pâti du différend opposant le français Alstom à Eurostar, qui lui a préféré l'allemand Siemens pour la fourniture de nouveaux trains.
Eurotunnel était associé entre autres à la banque Goldman Sachs et à la Caisse des Dépôts française.
Deux autres groupements étaient en lice : l'un rassemblait le fonds britannique 3i, la banque Morgan Stanley et le fonds souverain d'Abou Dhabi, et le dernier, formé tout récemment, unissait d'après la presse l'assureur allemand Allianz au fonds de pension de l'opérateur de télécoms BT.
Les vainqueurs sont en terrain connu. Les deux fonds canadiens ont investi ces dernières années dans de multiples entreprises britanniques (ports, aéroports, loterie nationale...).
La somme récoltée par Londres est supérieure aux estimations les plus courantes, allant de 1,5 à 2 milliards de livre, même si elle est loin de couvrir les 5,8 milliards qu'a coûté l'infrastructure.
Une manne bienvenue pour les finances du pays, qui vient de s'engouffrer dans une cure d'austérité sans précédent pour venir à bout d'un déficit record. Mais cette privatisation a été dénoncée avec vigueur par le dirigeant du syndicat des transports RMT, Bob Crow. Il a accusé le gouvernement d'avoir "vendu ses bijoux de famille à vil prix", et qualifié l'opération de "vandalisme".
La ligne, baptisée High Speed 1 (HS1), relie la gare londonienne de St Pancras au tunnel sous la Manche. Le Royaume-Uni conservera la propriété de l'ensemble des voies et des gares composant cet ouvrage long de 109 km.
Cette ligne est empruntée actuellement par les trains d'Eurostar (filiale à 55% de la SNCF française), et des services de la compagnie régionale Southeastern, mais son trafic est promis à une forte augmentation dans les années qui viennent.
La Deutsche Bahn allemande veut en effet y faire circuler ses propres rames à partir de 2013, tandis qu'Eurostar projette de multiplier ses dessertes sur le Continent.
High Speed 1, qui n'avait été achevée qu'à l'automne 2008, 14 ans après l'entrée en service du tunnel sous la Manche, est la seule ligne à grande vitesse du pays.
Un projet de construction d'une deuxième ligne, HS2, qui relierait Londres à Birmingham dans un premier temps, puis à terme à l'Ecosse, a été lancé l'an dernier, pour une mise en service prévue à l'HORIZON 2025.