Le groupe américain Molex vient de répliquer à l'action engagée aux prud'hommes par près de 200 salariés de son usine française de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), fermée en 2009, en cessant de financer le plan social et en s'en remettant peut-être à la collectivité pour le faire.
Cette décision a suscité la colère de la CGT et du ministre de l'industrie Christian Estrosi.
"Cette décision annoncée mardi nous confirme les méthodes mafieuses de Molex, avec ces mesures de rétorsion contre les 189 salariés qui contestent leur licenciement économique devant les prud'hommes", a déclaré Guy Pavan, délégué CGT mercredi.
"Je ne laisserai pas Molex fuir ses responsabilités et trahir un seul de ses engagements", a déclaré, l'information à peine connue, le ministre de l'Industrie dans un communiqué.
Le ministre s'était personnellement engagé en faveur d'un plan social avantageux à la mi-septembre 2009 pour obtenir des 283 salariés la fin d'un an de résistance à la fermeture de l'entreprise de connectique automobile. Il avait ensuite qualifié les dirigeants du groupe américain de "patrons voyous".
La plupart des salariés licenciés en octobre 2009, avec des indemnités de licenciement avantageuses et un congé de reclassement de neuf mois, se sont retrouvés au chômage en juillet 2010. Une quarantaine a retrouvé un emploi chez VMI (Villemur-Industries) créé par le fonds d'investissement HIG à la demande de M. Estrosi.
Les représentants du personnel ont été licenciés six mois plus tard, après accord du ministre du travail Eric Woerth; 19 d'entre eux, encore en congé de reclassement, devaient être payés jusqu'en janvier 2011. Ils s'étaient étonnés la semaine passée de ne pas toucher leur indemnité de septembre.
Un "liquidateur amiable" (la société BTSG), nommé le 28 septembre par le tribunal de commerce de Paris, leur a appris que la filiale française "Molex Automotive SARL", qui n'a plus d'activité industrielle, n'était "pas en mesure d'honorer l'échéance du 30 septembre" et que la maison-mère américaine lui avait signifié mardi son refus d'apporter les fonds nécessaires à sa filiale, après avoir déjà versé 30 millions d'euros.
"La délivrance de 189 assignations devant le conseil des prud'hommes de Toulouse (...) visant à obtenir une indemnisation supplémentaire équivalent à cinq années de salaires (...), les conduisent à cesser purement et simplement toute forme de soutien financier à leur filiale française", explique la lettre adressée par BTSG à l'avocat des Molex Jean-Marc Denjean et dont l'AFP a eu connaissance.
La direction de Molex s'est justifiée mercredi soir en qualifiant "d'exorbitante" l'indemnité demandée aux prud'hommes. Cette action "démontre que l'attitude conciliante de Molex n'est suivie d'aucun effet" déplore le groupe américain. "Cette situation consternante" a conduit sa filiale française à "déposer son bilan", ajoute Molex.
TSG estime que la procédure va mener à la liquidation judiciaire et indique que le futur mandataire liquidateur pourra solliciter l'intervention de l'association de garantie pour les salaires (AGS) chargée de se substituer aux entreprises défaillantes.
"La direction ne respecte pas ses engagements (...) et se défausse sur la collectivité", s'est indigné le délégué CGT.
Me Denjean a parlé de "nouvel affront aux salariés et de pied de nez au gouvernement qui, en cautionnant l'accord, avait pris l'engagement de le faire respecter".
M. Estrosi "condamne avec la plus grande fermeté l'attitude" de Molex, "exige" que le groupe tienne ses engagements et assure qu'il emploiera "tous les moyens de droit possibles afin que Molex garantisse le paiement des sommes dues". Le président de la Région Midi-Pyrénées Martin Malvy (PS) a aussitôt répliqué: "Ce ne sont pas des surenchères verbales que nous attendons mais bien des solutions".
Dans un contexte de désindustrialisation, Molex est devenu un symbole de ces entreprises jugées rentables et viables, mais sacrifiées sur décision étrangère au nom d'une logique financière globale échappant au personnel.