La guerre commerciale est déclarée: alors que le marché de l'internet s'érode et que l'enfant terrible parmi les fournisseurs d'accès, Free, annonce une entrée fracassante dans le mobile en 2012, les opérateurs multiplient à tout va les offres pour fidéliser leur clientèle.
Bouygues Telecom avait jeté le premier un pavé dans la mare, en mai 2009, en se lançant sur le marché de l'internet avec une offre "quatre en un" alliant box (internet, télévision, téléphonie fixe) et mobile.
Alors que le marché était déjà saturé, il a réussi à recruter 500.000 abonnés internet en un an avec ses offres couplées d'un prix minimum de 44,80 euros par mois, bousculant encore un peu plus les fournisseurs d'accès traditionnels.
Orange (France Télécom) a suivi en lançant le 19 août une gamme de formules cumulant box et mobile, à des prix s'étageant de 57,90 à 112,90 euros.
SFR, qui avait déjà lancé une telle offre sur le segment haut de gamme avec forfait mobile illimité, le tout à 100 euros, a annoncé mercredi qu'il fera des remises aux familles cumulant plusieurs portables et/ou box pouvant atteindre 20% de la facture totale.
L'objectif est que le client rassemble ses divers abonnements chez un seul opérateur, "pour éviter qu'il ne parte chez le concurrent", commente l'analyste télécoms Stéphane Dubreuil, directeur associé de Sia Conseil.
Les offres "quadruple play" poussent le client à s'engager sur 24 mois avec des prix plus attractifs que sur un an. "La probabilité que votre client s'en aille est donc très, très faible. C'est vraiment défensif", ajoute-t-il.
Car les opérateurs "craignent l'arrivée de Free", qui pourra s'appuyer sur sa base de 4,5 millions d'abonnés internet, fait aussi valoir Virginie Lazès, associée gérante de la banque d?affaire Bryan Garnier.
"Quand Free arrivera, on pourra vraiment parler de guerre des prix dans le mobile", affirme cette spécialiste des nouvelles technologies.
Si le prix des box est très bas en France, celui des communications mobiles figure parmi les plus élevés d'Europe.
Xavier Niel, le patron du fournisseur d'accès atypique, qui joue depuis huit ans le trublion de l'internet avec sa box à 29,90 euros, a déjà promis de diviser par deux la facture mobile d'un ménage français moyen.
Il est donc urgent pour les opérateurs d'occuper le terrain avant l'arrivée de Free, qui pourrait grignoter 5 à 7% du marché en trois ans. M. Dubreuil voit même Free rompre avec le modèle du forfait avec engagement obligatoire, laissant le client libre de partir quand il le veut.
"Le vrai problème, c'est que 75% des consommateurs seront enfermés dans ces offres verrouillées quand Free arrivera sur le marché", dénonce Edouard Barreiro, d'UFC-Que Choisir, en rappelant qu'il est très difficile de changer d'opérateur, car "les coûts de sortie sont énormes".
Jusqu'ici, les opérateurs se faisaient une guerre coûteuse pour attirer de nouveaux clients. Mais avec la saturation du marché du mobile (avec 95,8% des Français équipés) et de l'internet (20 millions de foyers connectés), la stratégie a changé.
"L'opérateur est plus dans une logique de vente de produits supplémentaires à un client qu'il a déjà, qu'il connaît, dont il a les coordonnées, dont il connaît les habitudes de consommation", explique Mme Lazès.
D'ailleurs, "les réductions consenties (dans ces nouvelles formules, ndlr) ne sont pas énormes, c'est beaucoup plus du marketing qu'un vrai gain de prix pour le consommateur", pointe-t-elle.