(AOF / Funds) - Si les sociétés de gestion et les distributeurs ont affiné la segmentation de leur clientèle, des efforts doivent encore être fait notamment en matière de frais de gestion et de commercialisation.
Les soubresauts des marchés financiers et les scandales à répétition ont mis en lumière l'importance du conseil en matière de ventes de produits financiers, qu'elles soient effectuées auprès d'institutionnels, d'entreprises ou de particuliers. Dans cette perspective, la transposition de la directive Marché des Instruments Financiers (MIF) est arrivée à point nommé. Cette directive s'applique depuis le 1er novembre 2007 et concerne autant les marchés financiers, y compris leur organisation avec la création de plateformes de transactions alternatives, que les intervenants financiers (prestataires de services d'investissement (PSI), sociétés de gestion, banques). Mais, une des nouveautés importantes concerne la distribution. La directive prévoit en effet une segmentation de la clientèle en trois groupes : les particuliers, les professionnels et les contreparties éligibles. Les premiers sont les plus protégés. Cependant, la directive prévoit une plus grande transparence sur les produits, notamment en ce qui concerne les frais qui s'appliquent quel que soit le client. Enfin, elle précise les responsabilités respectives des clients et des distributeurs en cas de contentieux.
Un bilan mitigé
Un peu plus d'un an après l'entrée en vigueur de la directive, où en sommes-nous ?
Fin novembre, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a dressé un premier bilan de l'application de la directive MIF à partir des rapports annuels des sociétés de gestion. Il en ressort que 87 % des sociétés de gestion ont adopté les nouvelles dispositions. Certaines dispositions sont davantage appliquées que d'autres. Ainsi, 95 % des sociétés de gestion ont-elles déjà recensé les activités susceptibles de donner lieu à des conflits d'intérêt. Elles ont également déjà installé les outils informatiques nécessaires pour «respecter les exigences de la MIF en matière d'archivage des données ou d'informations sur les clients», selon le rapport de l'AMF. En revanche, elles sont plus en retard en ce qui concerne la vérification des communications à caractère promotionnel (67 %). Les changements de procédures pour être en conformité avec la directive MIF devraient ainsi se poursuivre tout au long de l'année. «La mise en oeuvre de la directive MIF a nécessité des modifications organisationnelles et administratives conséquentes, explique Marguerite Yates, chef du service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché de l'Autorité des marchés financiers. S'il reste, il est vrai, encore un effort à fournir sur la mise en place de certaines dispositions, l'important c'est que l'ensemble des acteurs financiers respectent l'esprit de la MIF qui renforce la protection des épargnants en prenant, notamment, en compte la spécificité du profil des clients. Il nous paraît primordial que les acteurs soient mobilisés pour éviter le risque de mauvaise commercialisation.»
Des sanctions en cas de manquement
En parallèle, l'AMF mène des enquêtes afin de s'assurer que les sociétés de gestion et les prestataires de services d'investissement procèdent bien aux adaptations nécessaires. Des sanctions sont imposées en cas de manquement. La semaine dernière, une sanction a été rendue publique contre la société Européenne de gestion privée (EGP) sous la forme d'un avertissement et d'une amende de 100 000 euros. Parmi les griefs évoqués par l'AMF, certains concernent les obligations liées à la directive MIF qui n'ont pas été respectées. «Il ressortait du contrôle par sondage opéré par les services de l'AMF, que de très nombreux dossiers ne comportaient ni fiche relative à l'évaluation de la compétence professionnelle du client ni convention de services», selon le communiqué de l'AMF.
Le cabinet Deloitte a réalisé une enquête l'an dernier auprès des réseaux de distribution afin d'évaluer l'adoption de la MIF. L'enquête a porté sur douze établissements bancaires. Elle montre une très forte hétérogénéité des politiques mises en oeuvre par les établissements. Un peu plus de la moitié des établissements (55 %) «utilisent la MIF à leur avantage pour créer de nouvelles fonctions commerciales», selon l'enquête, les autres subissent davantage la nouvelle réglementation et se contentent juste d'être en conformité. Les banques à réseaux et les banques mutualistes seraient les plus proactives, tandis que les banques de gestion privée et les banques à réseaux mais reposant sur une clientèle haut de gamme sont celles qui subissent le plus la réglementation. Ces dernières considèrent déjà qu'elles connaissent bien leurs clients et leur prodiguent déjà des conseils. Mais au-delà, les sociétés de gestion comme les banques ont peur de les heurter, «les sociétés de gestion s'efforcent de mieux connaître leurs clients, mais sont tiraillées entre la nécessité de respecter la vie privée, sans doute plus développée en France que dans d'autres pays, et les exigences de la MIF en termes de questions à poser aux clients», explique Cindy Yancovici, présidente de CID Consulting.
Le conseil passe avant la vente
A contrario, les banques à réseaux et les banques mutualistes essaient d'utiliser la MIF afin d'améliorer leur relation client. De nouveaux outils qui n'avaient pas cours dans l'univers de la banque comme les outils de CRM font leur apparition. Il s'agit en améliorant la connaissance des clients de parfaire l'efficacité des méthodes de vente et de «renvoyer une image positive de la protection des clients», selon l'enquête effectuée par Deloitte. L'organisation de la distribution a été modifiée. Deux tiers des établissements proactifs ont par ailleurs annulé les commissions sur la vente des produits. Les commerciaux en agence ne sont plus rémunérés en fonction du chiffre d'affaires réalisé sur la vente de produits maison. Les banques veulent ainsi montrer que le devoir de conseil prend le pas sur la vente de produits. Une véritable révolution dans l'univers de la banque