
Le constructeur automobile américain Chrysler a été replongé lundi dans l'incertitude la plus totale sur son sort, après la décision de la Cour suprême de retarder pour une durée indéfinie la reprise de ses principaux actifs par un consortium mené par l'italien Fiat.
Des fonds de l'Indiana, investis à hauteur de 42 millions de dollars en obligations du constructeur, cherchent à faire échouer le plan de reprise de Chrysler, mis au point par le gouvernement de Barack Obama, au motif qu'il traite moins bien leur dette garantie que d'autres intérêts.
Lundi, ils ont eu la satisfaction de voir la Cour suprême surseoir à toute décision pour ou contre ce plan, alors que la vente aurait dû intervenir le jour même, aux termes du calendrier arrêté vendredi en appel.
La plus haute juridiction américaine n'a pas fourni d'explication, et n'a fixé aucune nouvelle échéance, alors que Fiat est habilité à se retirer du processus le 15 juin si le plan de reprise n'est pas validé.
Certains commentateurs jugeaient toutefois que les termes employés dans la très succincte annonce de la Cour pour annoncer le report --"jusqu'à nouvel avis"-- laissaient prévoir une décision prochaine.
Le trésorier (républicain) de l'Etat de l'Indiana Richard Mourdock, qui mène une croisade solitaire contre le plan gouvernemental, s'est dit "enchanté" de ce nouveau développement.
"C'est la première fois dans l'histoire des Etats-Unis que des créanciers possédant des titres de dette garantie n'étaient pas traités en tant que tel", a-t-il souligné, en répétant l'un de ses principaux arguments lors d'une interview sur la chaîne d'information financière CNBC.
Le "nouveau Chrysler" qui doit sortir du processus judiciaire doit être détenu par un consortium mené par Fiat, qui en possédera 20% (35% à terme). Les Etats américain et canadien détiendraient 10%, et un fonds à gestion syndicale 55%. Les porteurs d'obligations garanties, comme les fonds de M. Mourdock, recevront du numéraire, à raison de 29 cents pour chaque dollar de dette.
Ce plan a déjà été accepté par un juge des faillites et une cour d'appel la semaine dernière, ce qui semblait ouvrir la voie à une sortie rapide du constructeur de la procédure de redressement judiciaire, six semaines après son dépôt de bilan.
Mais comme le soulignait le directeur général du cabinet spécialisé sur le marché automobile Edmunds.com, Jeremy Anwyl, "il y a toujours un danger à déclarer victoire trop tôt".
"La vraie question est: qu'est-ce que cela signifie pour General Motors?", qui a déposé son bilan la semaine dernière, s'interrogeait M. Anwyl. "GM n'aurait peut-être pas suivi Chrysler dans une procédure de faillite si le processus (de Chrysler) n'avait pas paru si bien engagé", ajoutait-il.
Le gouvernement, qui s'est lourdement impliqué dans le dossier et a déjà accordé 6 milliards de dollars au constructeur, a fait valoir devant la Cour suprême que "si la vente au nouveau Chrysler n?intervient pas, Chrysler sera liquidé". Les plaignants recevraient alors encore bien moins que les deux milliards de dollars prévus pour les créanciers prioritaires.
Le Trésor faisait aussi valoir qu'il y va de l'intérêt général, avec 38.000 emplois directs en jeu, sans compter ceux des concessionnaires.