En annonçant une amélioration significative de ses résultats au deuxième trimestre, Rhodia (+12,80% à 3,87 euros) a déclenché une réaction positive du marché jeudi. Des indicateurs économiques moins catastrophiques que prévu ajoutés aux 1100 milliards de dollars du G20 avaient donné des raisons d'espérer l'esquisse d'une sortie de crise. Mais la perte d'Alcoa a sonné pour beaucoup le glas des illusions. Ce matin pourtant, Rhodia a redonné l'envie d'y croire : selon le groupe, la demande frémit de nouveau en Asie et en Amérique latine, continents moteurs de la croissance du 21 siècle.
L'HORIZON s'éclaircit donc pour le groupe chimique français et par extension pour les autres industries susceptibles de se partager ses marchés. D'autant qu'il peut compter sur d'autres facteurs favorables, avec en premier lieu la chute des matières premières.
En 2008, notamment au second semestre, Rhodia avait souffert de l'effondrement de la demande de ses principaux clients (automobile, industrie, produits de grande consommation) et du prix élevé du pétrole acheté en 2008. Pris en tenailles, le groupe avait accusé une baisse de 16% de son Ebitda et tablait sur un repli plus marqué au premier trimestre 2009.
Or, indique le P-DG dans un entretien à l'agence Reuters, "au deuxième trimestre, nous allons observer des améliorations significatives, notamment parce que le problème des matières premières sera derrière nous".
D'autant, ajoute Jean-Pierre Clamadieu qu'"en Europe, nous nous attendons à assister à la fin du déstockage dans la chaîne de production aval", en référence notamment à l'automobile.
Enfin, last but not least, le dirigeant a annoncé que Rhodia avait renégocié ses covenants de performance attachés à sa ligne de crédit bancaire non tirée de 600 millions d'euros afin de préserver "une flexibilité financière très significative".
"Rhodia participe au rally des cycliques observé depuis quelques semaines", a commenté pour AOF Xavier de Villepion, vendeur actions chez Global Equities. "Cependant, je reste prudent. Le marché pourrait aller plus vite que la musique. Il faut attendre la publication des résultats aux Etats-Unis la semaine prochaine puis en Europe pour juger du sérieux de cet engouement pour les cycliques", a-t-il prévenu.
AOF - EN SAVOIR PLUS
Activité de la société
Ancienne filiale de Rhône-Poulenc, devenu Aventis (aujourd'hui Sanofi-Aventis), Rhodia est l'un des 10 leaders mondiaux de la chimie de spécialités. Partenaires des grands acteurs des marchés de l'automobile, de l'électronique, des fibres, de la pharmacie, de l'agrochimie, des produits de consommation, des pneumatiques et des peintures et revêtements, Rhodia propose des solutions sur mesure combinant molécules et technologies originales répondant aux enjeux de ses clients. L'organisation du groupe repose sur 9 entreprises qui s'articulent en deux groupes constituant les pôles stratégiques de Rhodia : Matériaux et Services de Spécialités et Chimie d'applications. A terme, l'objectif est d'intégrer la Chimie Fine à l'un des deux précédents pôles. Le groupe emploie 20000 personnes dans le monde.
Les points forts de la valeur
- Rhodia est positionné sur la chimie de spécialités, plus rentable que la chimie de base.
- L'émission d'Oceanes devrait permettre au chimiste français de rembourser le solde de ses emprunts obligataires les plus chers à échéance 2010 et 2011 dont le taux d'intérêt moyen est proche de 9%. Le groupe a réussi son plan de refinancement et sécurisé la situation de sa liquidité à moyen terme, grâce à une augmentation de capital, une émission obligataire et de nouvelles lignes bancaires. Sa dette a été ramenée de 3 milliards en 2003 à 1,6 milliard d'euros en 2006.
- Rhodia a tenu ses engagements de redimensionnement de ses activités et de réduction des coûts.
-Les agences de notation Standard & Poor's et Moody's ont respectivement relevé leur notation sur le chimiste à BB- et à Ba3 afin de refléter l'amélioration de la structure de capital.
- Avec le retournement du cycle de la chimie, le groupe peut désormais répercuter une partie de ses hausses de coûts dans les prix.
- Rhodia devrait disposer de 11 à 13 millions de tonnes de CER par an à partir de 2007, et ce jusqu'en 2013. Rappelons que ces crédits, ou droits à polluer, sont attribués aux sociétés qui réduisent le niveau d'émission de CO2, dans le cadre du protocole de Kyoto. Elles peuvent les utiliser pour leurs propres besoins (sur d'autres sites polluants) ou les revendre, comme c'est le cas pour Rhodia grâce aux efforts consentis par le groupe au Brésil et en Corée. La valeur de ces crédits déterminée par la rencontre de l'offre et de la demande représente une part importante de la valorisation boursière de Rhodia.
Les points faibles de la valeur
- Le groupe traîne des "passifs environnementaux". Il a d'ailleurs intenté en vain une action contre son ancienne maison-mère Aventis afin d'obtenir l'indemnisation des passifs liés aux sites de Silver Bow (US) et de Cubatao (Brésil).
- Rhodia est fortement dépendant du prix des matières premières, et plus particulièrement de celui des dérivés du pétrole (benzène...). Il est également pénalisé en cas de repli du dollar.
- Les marges dégagées par les différents pôles du groupe sont très disparates.
- Certains actionnaires minoritaires mènent une fronde contre la direction du groupe et plusieurs de ses administrateurs liés à Aventis. De son côté, l'AMF a estimé que le groupe a diffusé ces dernières années des informations inexactes et imprécises.
Comment suivre la valeur
- Le secteur de la chimie est particulièrement sensible à la conjoncture économique. Rhodia est une valeur cyclique.
- Depuis le redressement du groupe, Rhodia est également considéré comme une valeur de retournement (recovery), à haut risque toutefois.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Produits de base - Chimie
Les pétrochimistes européens sont confrontés à un environnement extrêmement difficile sous la pression d'un double impact négatif. A celui causé par des niveaux historiquement élevés du prix du baril de pétrole s'ajoute l'effet pénalisant du bond du prix du naphta, l'une des principales matières premières utilisées par les pétrochimistes français et européens. La tonne de naphta a franchi la barre de 1000 dollars début 2008, soit 60% de plus que la moyenne sur 2007. Les acteurs cherchent à répercuter auprès de leurs clients l'envolée de leur facture énergétique par une augmentation de leurs prix. Ainsi, au cours des deux premiers mois de l'année, les prix des produits pétrochimiques ont progressé de 9% en Europe, selon les données du Cefic, l'organisme professionnel européen. Néanmoins ils éprouvent des difficultés croissantes à mener cette politique car ils craignent que leurs clients (fabricants d'emballages, de matériaux d'isolation pour le bâtiment, ou constructeurs automobiles) ne modifient durablement leurs approvisionnements pour limiter le poids des substances chimiques de leurs produits et réduire ainsi leurs coûts. Par conséquent, déjà pénalisées en 2007, les marges pétrochimiques risquent de se détériorer davantage ces prochains mois.