(AOF / Funds) -
Les obligations des tats de la zone euro sont-elles encore un placement s-r ?
Par Thierry MILLION, directeur de la gestion obligataire et de la recherche quantitative, Allianz Global Investors France
En 2008, les marchés avaient craint la faillite du système bancaire, aujourd'hui cette appréhension s'est naturellement déplacée vers les tats. En effet, l'augmentation des appels aux marchés par les Etats pour se refinancer va exacerber la concurrence entre les pays, car les besoins d'emprunts vont s'élever de 30 % par rapport à l'année qui vient de se terminer. Existe-t-il encore des acheteurs ? En fait, les portefeuilles des investisseurs sont déjà surpondérés en emprunts d'Etat. Dans le mouvement de délestage sur la dette privée, les gestionnaires ont réinvesti en privilégiant les titres qu'ils pensaient être s-rs. Cependant, l'aggravation de la crise fragilise certains Etats. Les agences de notation ont dégradé la Grèce, l'Espagne, le Portugal, et l'Irlande. D'autres, comme l'Italie, vont certainement suivre. La probabilité de défaut d'un Etat, auparavant négligeable, prend de l'ampleur comme le montre la cotation des Credit Default Swap. Sur les obligations grecques, en moins d'un an, le coût annuel pour assurer 10 millions d'euros contre un défaut de remboursement à 5 ans est passé de 40 000 euros à 250 000 euros. Dans des proportions différentes, le risque sur la France a évolué de manière similaire de 10 000 euros, il en coûte aujourd'hui 70 000 euros. De surcroît, le pessimisme ambiant, qui véhicule l'éventualité d'un éclatement de la zone euro, favorise les achats de protection. Personne ne sait comment pourrait s'exercer une éventuelle solidarité des pays de la zone euro en cas de sérieuses difficultés de refinancement de l'un des leurs. La question d'une gestion en commun d'une partie des dettes publiques refait surface. Le débat porte sur la création d'une agence capable d'émettre des euro-obligations, mutualisant ainsi les risques entre plusieurs pays. Pour des raisons évidentes de coût, l'Allemagne qui emprunte aux taux les plus bas ne veut pas en entendre parler.
Dans ce contexte, la sélection des investisseurs entre l'Allemagne rigoureuse, l'Italie désinvolte ou la France imprévisible doit dépendre de l'accroissement du poids de leur dette qui, un jour, pourrait être jugé insoutenable.
EN SAVOIR PLUS
LEXIQUE
obligation : Si l'action représente une fraction des capitaux propres d'une société, l'obligation représente une fraction d'un emprunt émis par une société. En souscrivant à une obligation, on devient donc l'un des créanciers de l'entreprise, bénéficiant jusqu'à l'échéance de la rémunération de l'emprunt (intérêts ou coupon) et, en cas de faillite, d'une priorité de remboursement par rapport aux actionnaires. En revanche, le détenteur d'obligation ne touche aucun dividende et n'est pas associé à la gestion de la société. Les obligations sont par ailleurs négociables sur un marché spécifique, dit marché obligataire. Outre les obligations privées (représentant la dette d'une entreprise) il existe des obligations d'Etat.