(AOF / Funds) -
Le plan de relance américain peut-il briser la spirale récessive ?
Par Anton Brender, chef économiste, Dexia AM
La vitesse à laquelle la conjoncture américaine s'est dégradée depuis le début de l'automne a été spectaculaire. Le rythme mensuel des destructions d'emplois, proche de 70 000 depuis début 2008, est passé brutalement à 500 000 en septembre ; en même temps, les enquêtes de confiance comme d'activité se sont littéralement effondrées, tombant pour certaines sur des niveaux jamais observés. Après une contraction de l'activité voisine sans doute de 5 % en rythme annuel au dernier trimestre 2008, les chances d'assister à une nouvelle contraction de même ampleur au premier trimestre de cette année sont réelles. Que ceci puisse être le cas alors même qu'une chute tout aussi spectaculaire du prix de l'essence, et avec lui de l'inflation, redonnait plus d'un point et demi de PIB de pouvoir d'achat aux ménages américains, en dit long sur la puissance du choc que l'économie a subi et sur celle des forces récessives désormais à l'oeuvre. La détérioration très rapide du marché de l'emploi va en effet peser sur les dépenses de consommation et entraîner une hausse des défauts de paiement des ménages, aggravant encore les pertes du système financier. Parallèlement, la baisse rapide du taux d'utilisation des capacités pousse les entreprises à couper leurs investissements et à ajuster leurs stocks, en même temps qu'elle les rend financièrement plus fragiles... Si cette spirale baissière n'est pas brisée rapidement, le risque de voir l'économie américaine gagnée, sinon par une dépression semblable à celle des années 1930, du moins par une stagnation «à la japonaise» ira croissant. Le président Obama et son équipe ont compris depuis longtemps que la lutte contre la déflation est une course de vitesse. Depuis novembre dernier d'ailleurs, ils ont annoncé vouloir «atterrir en courant».
Force est de constater qu'il n'en a malheureusement rien été. Une semaine après l'arrivée du président Obama à la Maison blanche, aucune dépense supplémentaire n'est engagée. Contrairement à ce qui pouvait être espéré, la période qui a suivi l'élection n'a pas été utilisée pour tenter de faire voter par le Congrès quelques-unes au moins des mesures de soutien envisagées. Il faudra, dans le meilleur des cas, attendre encore plusieurs semaines pour que le plan de stimulation soit voté et quelques mois pour que les premières mesures s'appliquent. Le gros du programme a donc toutes chances de ne produire ses effets qu'en 2010. Par ailleurs, un quart presque des sommes prévues va aller aux Etats et collectivités locales dont les recettes sont en baisse marquée. Elles leur permettront de ne pas couper leurs dépenses sans vraiment ajouter à la dépense publique totale. La question se pose de savoir si le programme aujourd'hui esquissé peut suffire à briser la spirale récessive enclenchée et, ranimant peu à peu la dépense privée, aider à remettre progressivement en marche la mécanique financière.
L'expérience des années 1930 a montré que réamorcer la pompe du crédit bancaire n'est pas facile, la prudence des banques étant, après la crise, devenue extrême. Elle a montré aussi qu'avant de tenter de remettre la pompe en marche il fallait la réparer ! L'équipe du nouveau Président s'y attelle : à côté des apports de capitaux propres aux banques, elle revient à l'idée initiale du plan Paulson : stabiliser les pertes des banques en rachetant leurs actifs «toxiques» (ou en les garantissant). Ce résultat est toutefois aujourd'hui loin d'être atteint et semaines après semaines les institutions financières ont de nouveaux besoins en capitaux propres que seul l'Etat peut désormais satisfaire. Le coût des soutiens à apporter au système financier ne cesse ainsi de croître. Et avec lui les risques de voir peu à peu le déficit et l'endettement publics prendre une ampleur inquiétante.
A chaque fois un peu en retard sur le déroulement de la crise, le gouvernement américain se trouve désormais confronté à une situation économique de plus en plus difficile à redresser et à des finances publiques de plus en plus détériorées. Il semble depuis quelques jours en prendre conscience et l'idée que les mesures de soutien pourraient être plus énergiques que celles initialement prévues est évoquée. Encore faudra-t-il parvenir à en convaincre rapidement le Congrès (la minorité républicaine du Sénat peut, sinon bloquer, du moins retarder un projet qui ne lui donnerait pas satisfaction). Tel est sans doute aujourd'hui, sur le plan économique au moins, le premier défi que le nouveau Président doit relever...
EN SAVOIR PLUS
LEXIQUE
Récession : elle se caractérise par une croissance négative pendant deux trimestres consécutifs. Il s'agit de la définition technique de la récession. Aux Etats-Unis, le bureau national de la recherche économique (NBER), l'organisme chargé de déterminer officiellement le début et la fin d'une période de récession utilise une définition moins restrictive. Il l'a défini comme une baisse significative et étendue de l'activité économique durant plusieurs mois, normalement visible dans le PIB, le revenu réel, l'emploi, la production industrielle et les ventes de gros et au détail.