(AOF / Funds) - Avec 155 milliards d'euros de pertes en encours, l'année 2008 aura été catastrophique pour la gestion collective française. Frédéric Picard, directeur général d'EuroPerformance, fait le bilan de la collecte 2008 en exclusivité pour option Finance.
Quelles sont les caractéristiques de la collecte au sein des OPCVM de droit français en 2008 ?
En 2008, l'encours de fonds de droit français est de 766 milliards d'euros contre 922, il y a un an. Cette baisse d'encours de plus de 155 milliards d'euros ramène la gestion française à son niveau de fin 2004. Elle est due à une baisse des marchés qui réduit de plus de 103 milliards l'encours géré mais également à des rachats nets de la part des investisseurs à hauteur de 38,5 milliards d'euros. C'est la première fois que les OPCVM de droit français subissent une vague massive de rachats. Même pendant la crise, sur les valeurs technologiques, nous avions observé un tassement de la collecte annuelle sur les OPCVM actions, mais jamais une situation nette de rachat. A l'inverse, en 2008, les investisseurs n'ont pas hésité à se retirer de la gestion collective au profit de placements plus liquides. L'ampleur du recul de la collecte en 2008 s'explique aussi par le caractère exceptionnel de cette crise. Dans un premier temps, dès le quatrième trimestre 2007, les différents acteurs ont minimisé les conséquences de la crise du crédit sur les produits de trésorerie dynamique ou encore sur la gestion alternative. Or la crise du crédit a engendré une crise financière qui s'est traduite par l'effondrement des Bourses mondiales. En septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers a engendré un climat de panique chez les investisseurs, ce qui a renforcé le mouvement global de rachats sur les OPCVM. Les investisseurs, aussi bien institutionnels que particuliers, ont été sensibles à ce climat et ont réagi rapidement par des rachats.
Quelles sont les classes d'actifs et les enseignes qui ont le plus souffert en 2008 ?
En termes de classes d'actifs, les plus grands perdants en encours sont les OPCVM de gestion alternative. Avec un recul de 13 milliards d'euros, à fin novembre 2008, la gestion alternative a perdu 49 % de ses encours sur l'année. Elle retrouve ainsi son niveau d'actifs de 2005. L'effet de marché a certes joué (- 2,5 milliards d'euros), mais ce sont surtout les investisseurs qui ont sanctionné cette classe d'actifs en procédant à des rachats massifs (9,5 milliards d'euros). En pleine crise du crédit, cela n'est pas du tout surprenant que la gestion alternative, utilisant des effets de levier, se soit retrouvée en première ligne de désinvestissement. S'agissant des actions, ces OPCVM ont perdu plus de 43 % de leurs actifs tout au long de l'année 2008. Depuis leur point haut en 2007, leurs encours ont presque été divisés par deux, ce qui les ramène à leur niveau de 2004. Naturellement, les marchés expliquent en grande partie cette baisse avec un impact de près de 105 milliards.
La catégorie «OPCVM diversifiés» a également beaucoup souffert, avec un recul de son encours de 40 % sur l'année 2008 (pour atteindre 84,4 milliards d'euros). Cette classe d'actifs a pour sa part été massivement désinvestie par les investisseurs, et ce, sur l'ensemble des stratégies. Au sein de cette catégorie, les fonds de performance absolue (absolute return) ont été particulièrement lourdement sanctionnés par les investisseurs (-65 % d'encours), après un repli déjà important l'an passé.
En gestion obligataire, les encours ont reculé de près de 9 % en 2008 et représentent 58 milliards d'euros à fin 2008. Les investisseurs plébiscitent les fonds obligataires euros, avec plus de 50 milliards sur les 58 milliards d'euros d'encours globaux. A l'inverse, le compartiment des produits à haut rendement s'effondre de 62 % dans un contexte où les émissions ont été inexistantes en Europe et très fortement réduites aux Etats-Unis.
En termes d'enseignes, celles qui ont le moins souffert en 2008 sont celles qui disposent d'une gamme de produits suffisamment large et diversifiée. En revanche les sociétés entrepreneuriales ont énormément décollecté en 2008, notamment celles dont l'expertise portait sur un style de gestion «value», et sur les petites et les moyennes capitalisations.
Quels produits et quelles enseignes ont, au contraire, pu tirer leur épingle du jeu en 2008 ?
Globalement, les souscriptions sont allées sur les fonds de trésorerie régulière, avec environ 32,5 milliards d'euros de souscriptions supplémentaires. Les fonds garantis ont également attiré les investisseurs qui recherchaient des placements sécuritaires. Les enseignes ayant tiré leur épingle du jeu en 2008 disposent d'une gamme large et diversifiée de produits comportant des OPCVM sécuritaires, comme les supports de trésorerie régulière ou les fonds garantis en capital.
Cette configuration de marché favorise les grands réseaux. Avec plus de 7 milliards de souscriptions nettes des rachats, BNP Paribas est le meilleur collecteur parmi les réseaux. Une collecte concentrée sur les produits de taux compense les retraits sur les fonds en actions. La Banque Postale est arrivée en seconde position avec une collecte de 4,9 milliards d'euros, et affiche une hausse de 5 % de croissance de ses encours sous gestion en 2008 par rapport à 2007. CM-CIC Asset Management arrive en troisième position, avec 37 milliards d'euros d'encours et une collecte majoritairement concentrée sur des actifs non risqués.
Faut-il s'attendre à un redressement de la collecte pour 2009 ?
A ce jour, il est extrêmement difficile de savoir ce qu'il se passera en 2009, mais le consensus de marché qui prévoit une récession est très fort, principalement sur le premier semestre 2009. Pour autant, les ménages français disposent de liquidités. L'ensemble des placements des ménages est de l'ordre de 3 200 milliards d'euros (source : Compte financier - Banque de France - troisième trimestre 2008). Environ 1 000 milliards sont en dépôts à vue, en dépôts remboursables avec préavis de moins de 3 mois (livret A) ou encore en OPCVM de trésorerie et monétaires. Déplacer quelques pourcentages de cette masse vers des véhicules de gestion collective, mieux rémunérés et faiblement risqués, c'est le challenge pour les sociétés de gestion en 2009. Je pense que l'on devrait assister à des déplacements d'épargne liquide vers de nouvelles opportunités de placements en 2009. Le niveau de cash dans les portefeuilles conduit certains à imaginer un rally financier sur la fin de l'année 2009, en cas d'embellie. Mais attention aux fausses alertes !
Une chose est s-re, nous devons nous habituer à vivre avec moins de crédit et à des conditions plus élevées. Dans ce contexte, les gérants devront répondre à la demande des investisseurs qui recherchent, en plus de la liquidité, la transparence et la simplicité. C'est ce qu'on réussit les ETFs en 2008, réunissant ces trois caractéristiques (+13 milliards d'euros de collecte en 2008).
Propos recueillis par Floriane Tedoldi