Le tribunal de commerce de Lille se prononce jeudi sur la prise de contrôle de France-Soir par le fils de l'oligarque russe Sergueï Pougatchev, un nouvel épisode dans l'histoire tourmentée du quotidien, qui a frôlé à plusieurs reprises le dépôt de bilan.
Sablon International, qui détient 19,90% des Editions du nouveau France-Soir souhaite monter dans le capital à hauteur de 85%. Jean-Pierre Brunois, propriétaire du titre depuis 2006, conserverait 15% des parts.
Ce fonds d'investissement est dirigé et détenu par Alexandre Pougatchev, le jeune fils de nationalité française de l'oligarque russe Sergueï Pougatchev, a indiqué France-Soir.
Sablon International n'est cependant "pas dans le portefeuille de Luxadvor", la holding d'investissement appartenant à Sergueï Pougatchev, qui possède déjà en France l'enseigne Hédiard, a affirmé un porte-parole de Luxadvor à l'AFP, démentant des informations de presse en ce sens.
La loi interdit à une société extra-communautaire de détenir plus de 20% du capital d'une entreprise de presse française.
Selon la direction de France-Soir, le personnel du titre s'est prononcé lundi "à l'unanimité et deux abstentions" pour cette opération.
D'après la lettre spécialisée Presse News, Sablon International serait "prêt à lourdement investir pour refaire du journal un grand quotidien populaire de qualité" et mettre fin au chemin de croix qu'il traverse depuis de nombreuses années.
Le quotidien, qui tirait à plus d'un million d'exemplaires pendant ses années de gloire, n'a plus qu'une diffusion de quelque 23.000 exemplaires.
Créé en 1944, le journal longtemps dirigé par Pierre Lazareff comptait dans les années 60 quelque 400 journalistes, dont des signatures prestigieuses comme Joseph Kessel, Henri Amouroux et Philippe Labro.
Il a pulvérisé ses ventes en novembre 1970, avec 2.264.000 exemplaires pour la mort du Général de Gaulle.
En 1976, alors que les ventes s'érodent, Hachette vend le titre à Presse Alliance de Paul Winckler, dont Hersant prendra 50% du capital.
A partir de 1999, la descente aux enfers commence. En avril, France-Soir est vendu pour un franc symbolique à Georges Ghosn, ancien patron de La Tribune et du Nouvel Economiste.
Celui-ci vend à son tour la totalité de ses parts au groupe italien Poligrafici en décembre 2000. Mais restructurations, changements de direction et modifications éditoriales ne parviennent pas à enrayer la chute des ventes.
En 2004, Poligrafici vend 70% du journal à l'homme d'affaires franco-égyptien Rami Lakah. Un an plus tard, le journal, dont la diffusion est tombée à 50.000 exemplaires, est en redressement judiciaire. Trois repreneurs -- dont déjà un groupe russe -- sont candidats.
Le tribunal de commerce de Lille tranche en faveur du projet porté par Jean-Pierre Brunois et le journaliste Olivier Rey, qui reprennent 51 des 117 salariés.
La rédaction, qui soutenait le projet russe, entame une longue bataille judiciaire et sociale. France-Soir disparaît des kiosques pendant huit semaines, et Olivier Rey, dont la personnalité est contestée, est obligé de s'effacer.
Transformé en taboïd populaire, France-Soir ne réussit pas à redresser la barre. Tombées à 21.175 exemplaires en 2007, ses ventes se sont cependant très légèrement redressées au cours des derniers mois. Un infléchissement attribué par les journalistes au directeur de la rédaction Roberto Alvarez, qui a été écarté fin 2008 par Jean-Pierre Brunois.
Selon Presse News, c'est à un ancien du Parisien, Gilles Bornais, que seraient désormais confiés les rênes de la rédaction.