Le Conseil de la Concurrence a cassé mercredi l'exclusivité dont bénéficie Orange (France Télécom) pour commercialiser l'iPhone en France, un revers pour l'opérateur qui misait beaucoup sur le mobile multi-fonctions d'Apple pour doper ses ventes de Noël.
"L'exclusivité d'Orange sur l'iPhone est de nature à introduire un nouveau facteur de rigidité dans un secteur qui souffre déjà d'un déficit de concurrence", a jugé le Conseil.
"L'iPhone d'Apple ne pourra pas être réservé aux abonnés d'Orange", a-t-il expliqué lors d'un point presse. SFR et Bouygues Telecom, notamment, peuvent dès maintenant vendre l'iPhone avec abonnement, donc en le subventionnant, s'ils négocient avec Apple ou se fournissent auprès de grossistes.
Cette mesure est prise "à titre conservatoire", c'est-à-dire en urgence, en raison de la période de Noël, propice aux ventes de mobiles.
Interrogés par l'AFP, plusieurs opérateurs et distributeurs ont indiqué qu'il leur serait techniquement difficile de proposer l'iPhone avant Noël. Mais cette annonce pourrait inciter certains clients à retarder leur achat.
Le Conseil se prononcera sur le fond d'ici "douze à quinze mois" et s'il pense que cette exclusivité a eu des effets anti-concurrentiels, il "peut sanctionner" Orange et Apple.
Orange a immédiatement annoncé qu'il ferait appel, jugeant la décision "grave" car elle remet en cause "les partenariats entre opérateurs mobiles et constructeurs".
Le Conseil dit n'avoir "rien, par principe, contre l'exclusivité, car elle peut être nécessaire dans certains cas" pour "construire un modèle économique" ou "protéger l'innovation".
Orange, qui distribue l'iPhone depuis novembre 2007, bénéficie d'une exclusivité de cinq ans, avec sortie anticipée possible au bout de trois ans. C'est cette durée, jugée "particulièrement longue", qui a été l'élément "déterminant" dans la décision, selon le Conseil.
L'opérateur avait justifié l'exclusivité par les investissements nécessaires au lancement de l'iPhone. Argument rejeté par le Conseil, qui a calculé qu'entre juillet et novembre, son chiffre d'affaires sur les ventes d'iPhone est de 222 millions d'euros pour un investissement spécifique de seulement 16,5 millions.
L'appel d'Orange n'est pas suspensif et l'opérateur risque une amende s'il ne s'exécute pas. Dans deux précédents cas (sur les annuaires et sur le haut-débit), France Télécom avait eu une amende de 40 millions d'euros pour ne pas avoir respecté l'injonction du Conseil.
D'ici la décision au fond, si Apple lance de nouveaux modèles d'iPhone, il pourra signer des contrats d'exclusivité avec un opérateur mais d'une durée maximale de trois mois.
Conformément à la loi française, Orange propose aussi l'iPhone "nu", sans abonnement, mais avec une carte Sim bloquée sur son réseau. Il en coûtait 100 euros au client pour le débloquer. Ce ne sera plus le cas.
Le Conseil avait été saisi le 18 septembre par Bouygues Telecom qui protestait qu'on lui ait "refusé la commercialisation de l'iPhone".
L'opérateur a qualifié la décision d'"avancée significative au bénéfice des consommateurs", espérant distribuer l'appareil "dans les meilleurs délais".
SFR, qui compte déjà 45.000 clients avec un iPhone malgré l'exclusivité avec Orange, s'est déclaré "content de cette décision", précisant qu'il allait contacter Apple dès l'après-midi: "dès qu'on peut on distribue (l'iPhone)", a indiqué un porte-parole.
Apple, qui a abandonné son modèle d'exclusivité dans plusieurs pays, n'a pas réagi mais selon le Conseil "il n'est pas sûr qu'il soit si mécontent" car "ça lui redonne de la liberté" en lui permettant de vendre plus de téléphones.