La compagne aérienne allemande Lufthansa a pris le contrôle de l'autrichienne Austrian Airlines (AUA), au terme d'un processus de privatisation contesté par la concurrence et qui doit être validé par la Commission européenne, mais fait de Lufthansa, selon elle, le premier transporteur aérien d'Europe devant le franco-néerlandais Air France/KLM.
Signé vendredi à Vienne, l'accord de vente prévoit que Lufthansa rachètera pour la somme symbolique de 366.000 euros la part de 41,56% de l'Etat autrichien, un montant qui pourra être porté à 162 millions en fonction de "l'évolution économique future" d'AUA et de la performance de l'action Lufthansa sur les trois prochaines années.
Le groupe allemand, qui a annoncé une offre de 215 millions d'euros sur le capital restant, déboursera ainsi au maximum 377 millions pour 100% du capital de la compagnie, laquelle a transporté 10,8 millions de passagers l'an passé.
S'il s'assure le contrôle du leader aérien en Europe centrale, le groupe allemand devra également gérer une compagnie structurellement déficitaire et dont la dette approche les 1,4 milliard d'euros.
Lufthansa a toutefois obtenu l'assurance de l'Etat autrichien qu'il épongerait 500 millions de dettes, clause vivement contestée par la concurrence et qui doit encore être visée par Bruxelles.
La compagnie irlandaise à bas coût Ryanair et un petit transporteur autrichien, Robin Hood Aviation, ont déjà annoncé une plainte auprès de la Commission, en dénonçant une "distorsion massive de la concurrence". Air France-KLM, qui reste le premier des transporteurs aériens dans le monde et était intéressé par AUA mais a finalement préféré se concentrer sur Alitalia, menace de leur emboîter le pas. Enfin, la compagnie à bas coût autrichienne Flyniki a pour sa part demandé des compensations au gouvernement autrichien.
Initié mi-août, le processus de privatisation au pas de course de l'ancien fleuron national aérien autrichien reste également vivement contesté en Autriche par l'opposition verte et d'extrême droite, ainsi que par les syndicats et les petits actionnaires.
L'ensemble des représentants du personnel au conseil d'administration de la holding publique ÖIAG ont voté vendredi contre la vente, en invoquant "la façon dont s'est déroulée de processus de vente, l'offre présentée par la Lufthansa et les nombreuses questions en suspens".
Selon les analystes, quelque 2.000 emplois, sur les 8.000 que compte AUA, pourraient être menacés.
Le patron de Lufthansa, un Autrichien, Wolfgang Mayrhuber, a toutefois rejeté ces spéculations lors de la signature du contrat à Vienne: "Nous n'envisageons pas de suppressions de postes pour le moment. Nous voulons augmenter la productivité sans procéder à des licenciements", a-t-il assuré en invoquant des synergies immédiates de 70 millions d'euros.
Le patron de l'ÖIAG, Peter Michaelis, a pour sa part affirmé que Lufthansa offrait "un avenir sécurisé" à AUA, qui conservera son identité commerciale. Le contrat de vente prévoit que l'Etat disposera d'un droit de veto concernant les questions d'effectifs et de marque, ainsi que sur le maintien de l'aéroport de Vienne comme base de la compagnie, a-t-il rappelé.
Peter Michaelis a espéré que la vente, après le feu vert de Bruxelles, pourra être finalisée "au milieu du deuxième trimestre 2009", soit en mai.
Outre la reprise partielle de la dette par l'Etat autrichien, les autorités européennes de la concurrence doivent examiner les risques que Lufthansa ne se trouve en position hégémonique sur certaines destinations.
Le groupe allemand a conditionné son offre à l'aval explicite de Bruxelles et à une prise de contrôle d'au moins 75% du capital.
Jeudi, le groupement d'actionnaires IVA a toutefois estimé insuffisant le prix de 4,44 euros par action proposé par Lufthansa pour le capital restant dans des mains privées et exigé que l'offre soit relevée. A la Bourse de Vienne, le cours d'AUA a fait un bond de 43%.