Les actionnaires de Merrill Lynch, suivis peu après par ceux de Bank of America, ont entériné vendredi la fusion de leurs établissements, signant la fin de l'indépendance de l'une des plus prestigieuses banques d'affaires de Wall Street.
Le vote des actionnaires lève le dernier obstacle à la fusion des deux groupes, les autorités américaines et européennes de la concurrence ayant déjà donné leur feu vert. Bank of America a précisé, dans un communiqué, qu'elle espérait finaliser l'opération "d'ici la fin de l'année".
Ce mariage historique va donner naissance à un géant américain de la finance, doté de plus de 960 milliards de dollars de dépôts, devant l'actuel numéro un JPMorgan Chase, qui dispose de 900 milliards.
"En approuvant cette transaction, les actionnaires de Merrill Lynch ont exprimé leur confiance dans la combinaison de notre entreprise à Bank of America pour créer l'un des établissements financiers les plus puissants de la planète", a commenté le PDG de Merrill Lynch, John Thain, dans un communiqué.
Ce faisant, la banque généraliste va mettre la main sur ce qui a fait la force de Merrill Lynch: son réseau de courtage. Merrill lui apporte aussi certains des meilleurs gérants de fonds et stratégistes du marché.
Bank of America va aussi récupérer les 90 milliards de dépôts apportés par Merrill, un aspect essentiel de la consolidation actuelle du paysage bancaire américain: en ces temps de gel des marchés monétaires, les dépôts sont un financement bon marché pour l'établissement financier qui les détient.
La fin de son indépendance reste une pilule amère pour Merrill Lynch, ses employés - dont nombre n'ont pas accepté les nouvelles conditions financières proposées par le repreneur - et actionnaires. Mais la banque à l'enseigne du taureau a dû s'y résoudre après avoir frôlé le dépôt de bilan pour son appétit excessif dans les produits adossés à des créances à risques.
Ses actionnaires, qui seront rémunérés en actions Bank of America, s'étaient vu proposer une valorisation de la banque de 50 milliards de dollars lors de la présentation du rapprochement, le 15 septembre. Mais leurs parts ne valent plus aujourd'hui que 19,7 milliards de dollars, en raison de la chute de la Bourse, et des actions Bank of America, intervenue dans l'intervalle.
Merrill Lynch ne devrait pas être épargné par les suppressions de postes, qui se multiplient à Wall Street. Le futur ensemble devrait se séparer de 25.000 à 30.000 emplois, croit savoir le Wall Street Journal.
Décidée en plein paroxysme de la crise financière, l'opération a évité à Merrill la faillite à la mi-septembre, alors qu'une autre enseigne newyorkaise prestigieuse, Lehman Brothers, y était précipitée le même jour.
Le rachat avait été présenté comme "une opportunité stratégique qui n'arrive qu'une fois dans sa vie" par Bank of America, qui continuait ainsi de grossir sur les décombres de la crise en récupérant des enseignes en détresse.
Désormais, BofA va faire face au défi d'intégrer Merrill quelques mois seulement après avoir racheté, pour une bouchée de pain, le premier prêteur hypothécaire du pays, Countrywide Financial.
L'absorption de Merrill expose son repreneur à des risques accrus, avec de nouvelles dépréciations possibles à la clef. Si Bank of America est habitué aux acquisitions audacieuses, elle n'a jamais intégré une banque de cette taille.
D'autant que Merrill Lynch a encore dû effectuer près de 10 milliards de dollars de dépréciations d'actifs au 3e trimestre, entraînant une perte de 5,2 milliards.
Reste que la relative résistance de Bank of America à la crise et son sauvetage de deux établissements financiers majeurs ont fait de la banque de Charlotte (Caroline du Nord, sud-est) un groupe incontournable. Son PDG Kenneth Lewis vient d'être élu banquier de l'année par la revue American Banker, qui lui décerne ce titre pour le seconde fois en six ans.