Malgré la publication de résultats annuels en ligne avec les attentes, Pernod Ricard inquiète les investisseurs. Le groupe de spiritueux a dévoilé hier qu'il visait une croissance interne du résultat opérationnel courant autour de 8%, "sauf détérioration grave de l'environnement". Une réserve que le marché n'a que très modérément apprécié, infligeant au titre une sanction de 9,85% à 55,89 euros à la Bourse de Paris.
Et pour cause : selon un trader interrogé par Reuters, il s'agit ni plus ni moins d'un "profit warning masqué". "Pernod fait une prévision pour l'exercice à venir en disant qu'elle ne tiendra pas si l'environnement économique se dégrade. Or on sait qu'il se dégrade", a t-il estimé.
Autre source de préoccupation, le directeur général adjoint en charge des finances Emmanuel Babeau a déclaré à Reuters que la croissance avait été "modérée et contrastée" en Europe, avec un marché "clairement difficile en Espagne" au premier trimestre. "Dans l'environnement actuel, le marché peut se demander si les tendances du premier trimestre n'annoncent pas des difficultés plus grandes pour la suite", en concluent les analystes de Citigroup.
Autant de petites phrases qui ont presque éclipsé le relèvement des prévisions de synergies annuelles liées à l'acquisition du suédois Vin & Sprit à 150 millions d'euros, contre une fourchette comprise entre 125 et 150 millions auparavant.
Mais là encore, cette transaction qui s'annonce relutive pourrait avoir son revers en raison de l'endettement qu'elle entraîne. La dette nette au 30 juin 2008 s'établit à 6,1 milliards d'euros, a indiqué Pernod Ricard, en ajoutant que la dette nette pro forma incluant l'impact et les coûts d'acquisition du propriétaire de la vodka Absolut se serait élevée à 11,9 milliards d'euros. Pourtant, le groupe se veut optimiste. "Dès le second semestre, la forte génération de cash flow et le programme de cession d'actifs non stratégiques doivent permettre une forte baisse de l'endettement", prévoit Pernod Ricard.
Mercredi, Credit Suisse avait réitéré sa recommandation Sous-performance et son objectif de cours de 50 euros sur Pernod Ricard. Le broker estime que le rachat d'Absolut expose le groupe de spiritueux au marché premium aux Etats-Unis, qui connait actuellement un ralentissement. La hausse des coûts d'intérêts pourrait également poser problème, selon le bureau d'études.
EN SAVOIR PLUS
ACTIVITE DE LA SOCIETE
Né en 1975 du rapprochement des deux éternels concurrents de l'Anisette Pernod et Ricard, le groupe, purement français à l'origine, puis groupe européen diversifié, est aujourd'hui devenu un leader mondial dans le secteur des vins et spiritueux. Présent sur les cinq continents, Pernod Ricard est propriétaire entre autres marques de prestige du whisky Chivas Regal, du single malt Glenlivet, du cognac Martell, de Seagram's Gin ainsi que de nombreux réseaux sur tous les continents. Pernod Ricard, associé pour l'occasion à l'américain Fortune Brands, s'est offert en 2005 le groupe britannique Allied Domecq pour 10,7 milliards d'euros. Ce rachat a permis à Pernod Ricard de monter sur la deuxième marche mondiale du marché des vins et spiritueux derrière Diageo et sur la première marche en dehors des Etats-Unis. En 2008, grâce à l'acquisition d'Absolut via la reprise de Vin & Spirit, le groupe français devient le numéro un mondial de la vodka haut de gamme.
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- Pernod Ricard peut s'appuyer sur la forte croissance de ses marques premium, la vodka étant la catégorie la plus dynamique.
- Le rachat de Vin & Sprit lui confère la première place dans l'univers des spiritueux premium, avec 27% de parts de marché, et lui permet de devenir numéro deux aux Etats-Unis, avec 14% de parts de marché.
- Le groupe est fortement exposé aux marchés émergents, où il réalise désormais 57% de son chiffre d'affaires. Cet ancrage devrait constituer un important relais de croissance pour Absolut.
Les points faibles de la valeur
- L'environnement n'est pas favorable en France, en raison du durcissement de la législation anti-alcool, et en Irlande, où la fiscalité sur les spiritueux a fortement augmenté.
- Le marché des anisettes semble aujourd'hui arrivé à maturité.
- La plupart des analystes estiment que Pernod Ricard a payé le prix fort pour s'offrir Absolut.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- Dopé par ses qualités défensives, le secteur des boissons surperforme généralement le marché baissier.
- Le marché reste attentif au bon déroulement des différentes étapes qui mènent à l'intégration du groupe suédois Vin & Sprit et au désendettement de Pernod Ricard.
- La spéculation entoure le titre: les marchés s'interrogent sur l'évolution de l'actionnariat.
- Compte tenu des niveaux de valorisation atteints par le titre, toute mauvaise nouvelle est durement sanctionnée.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Agroalimentaire
L'ocde et la FAO ont, toutes deux, établi des projections qui tablent sur une hausse du prix des matières premières agricoles dans les 10 années à venir, par rapport à la décennie précédente. Ainsi les augmentations prévues sont de 20% pour la viande bovine et porcine, 30% pour le sucre, 40% à 60% pour le blé, le maîs et le lait en poudre, plus de 60% pour le beurre et les oléagineux et plus de 80% pour les huiles végétales. Le fait nouveau est qu'auparavant, les flambées de cours étaient dues à des événements ponctuels, comme une baisse des rendements provoquée par une sécheresse. Aujourd'hui des facteurs structurels entrent en jeu : les cours élevés du pétrole qui surenchérissent les coûts de production, la croissance démographique, et la modification des pratiques alimentaires avec une consommation accrue de viande dans les pays émergents, se combinent avec la demande de grains pour les agrocarburants.