Achetez la rumeur, vendez la nouvelle. Les investisseurs prennent l'adage boursier au pied de la lettre concernant Alcatel-Lucent, dont l'action recule de 1,35% à 4,25 euros après la nomination de Philippe Camus au poste de président non exécutif et de Ben Verwaayen à celui de directeur général. Le repli du titre s'explique également par le fait que la tâche ne sera pas aisée pour ce tandem. En effet, Alcatel-Lucent a affiché six trimestres consécutifs de pertes dans un marché difficile. A charge pour eux de définir la stratégie qui permettra au groupe franco-américain de sortir de l'ornière.
Le suspens a donc pris fin. Un peu plus d'un mois après l'annonce du départ de Serge Tchuruk et Patricia Russo, respectivement président et directrice générale d'Alcatel-Lucent, leurs successeurs ont été choisis.
Le premier, sans surprise par rapport aux rumeurs de presse, a été remplacé par Philippe Camus, ancien co-dirigeant d'EADS et actuellement co-gérant de Lagardère, et partenaire d'Evercore Partners, une société d'investissement et de conseil. S'il ne possède pas l'expérience du secteur des télécoms, il a l'avantage d'être français. Ce dernier point était particulièrement important pour le gouvernement français.
La nomination de Ben Verwaayen au poste de directeur général constitue, elle, une demi surprise ; l'australien Mike Quigley, ancien dauphin de Serge Tchuruk, semblait tenir la corde. Ce n'est pourtant pas un ancien d'Alcatel qui remplacera Patricia Russo, mais un ex-Lucent. En effet, il a été vice-président du comité de direction de Lucent, qu'il avait rejoint en septembre 1997. Mais c'est surtout au poste suivant qu'il a occupé qu'il assis sa réputation : directeur général de BT entre février 2002 et le 1er juin 2008. Ben Verwaayen est donc un bon connaisseur du secteur des télécoms.
Les deux hommes vont se trouver à la tête d'un groupe fragilisé par un marché des équipements télécoms difficile. Dans la téléphonie fixe, il doit faire face à la concurrence de sociétés chinoises très agressives sur les prix, comme Huawei. Dans la téléphonie mobile, le groupe franco-américain est affecté par le déclin plus rapide que prévu de la norme CDMA (équivalente du gsm en Amérique du Nord) et par son manque de taille dans la 3G (téléphonie mobile de troisième génération).
Philippe Camus et Ben Verwaayen vont devoir choisir une nouvelle stratégie pour permettre à l'équipementier télécoms de rebondir. Selon les spécialistes, Alcatel-Lucent doit mettre l'accent sur les services aux opérateurs, c'est-à-dire dans la gestion des réseaux, estiment les spécialistes, et développer sa division spécialisée dans la vente d'équipements et de services destinés aux entreprises.
(C.J)
EN SAVOIR PLUS
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- Dans une industrie très concurrentielle, Alcatel Lucent apparaît comme un acteur global disposant d'un portefeuille complet de produits et de services destinés aux opérateurs mais aussi aux autres types d'entreprises. La force du groupe est de détenir un portefeuille de technologies et de services permettant de proposer aux opérateurs des solutions de bout en bout.
- La diversité des activités permet une meilleure répartition des risques.
- Sur le "triple play" (voix, données et TV), à fort potentiel de croissance, l'offre d'Alcatel apparaît comme l'une des meilleures du marché.
- L'équipementier de télécoms cherche toujours à réduire ses dépenses, en recourant de plus en plus aux marchés émergents dans les domaines de la production, la R&D, les fournisseurs et les sous-traitants.
Les points faibles de la valeur
- La visibilité sur l'activité d'Alcatel est faible, le groupe a déçu les investisseurs à répétition.
- Alcatel souffre de son exposition à la technologie de téléphonie mobile CDMA, équivalent américain du GSM, en perte de vitesse.
- La baisse du dollar pénalise le chiffre d'affaires du groupe.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- Il est indispensable de surveiller attentivement l'évolution du marché des télécommunications, en particulier la santé des opérateurs, pour apprécier l'évolution de la demande en équipements.
- Confrontés à la concurrence des opérateurs alternatifs, des fournisseurs d'accès à internet ou des câblo-opérateurs, les opérateurs perdent des abonnés, tandis que les revenus issus de la voix sont inexorablement amenés à s'effriter. Pour remédier à cela, les opérateurs n'ont d'autre choix que de se lancer dans le "triple play", c'est-à-dire de proposer des offres couplées d'accès au téléphone, à l'Internet haut débit et à la télévision.
- Les pays émergents représentent 45% du chiffre d'affaires d'Alcatel, et même 75% de ses revenus dans les réseaux mobiles. Ils pèsent déjà 45% des investissements des opérateurs dans le monde, part qui passera à 55% en 2008.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Equipementiers télécoms
Les ventes mondiales de téléphones mobiles ont continué d'enregistrer une croissance à deux chiffres (13,6%) au premier trimestre 2008, à 294,3 millions d'unités. Néanmoins des disparités apparaissent selon les régions. Ainsi, le cabinet Gartner souligne le recul de 16,4%, sur un an, des ventes en Europe de l'Ouest. Cette baisse serait liée au ralentissement économique de cette zone, auquel s'ajoute la maturité de la région en termes d'équipement mobile. Par contre la croissance dans les pays émergents ne se dément pas : en Asie-Pacifique, les ventes ont bondi de 26,6% sur un an, tandis qu'elles sont en hausse de 25,8% dans les pays d'Europe de l'Est. Parmi les fabricants, le Finlandais Nokia a consolidé sensiblement sa place de leader sur le premier trimestre, laissant loin derrière lui ses concurrents. Sa part de marché s'élève fin mars à 39,1% contre 35,5% un an plus tôt (avec 115,2 millions d'appareils vendus). Le Sud-coréen Samsung est le numéro 2 du marché avec 42,4 millions de téléphones. Motorola a conservé la troisième place mais sa part de marché chute de plus de 8 points à 10,2%. Sony Ericsson a subi également une baisse de sa part de marché et a cédé sa place de numéro quatre au Sud-coréen LG, dont la part de marché a progressé de 1,8 point.