La fin d'une époque. C'est sans véritable surprise mais avec soulagement, comme le montre la progression de l'action Alcatel-Lucent de 4,44% à 4 euros, que les investisseurs ont appris le départ du président, Serge Tchuruk, et de la directrice générale de l'équipementier télécoms, Pat Russo. Les architectes de la fusion entre Alcatel et Lucent quittent un navire dont les voies d'eau n'ont pas encore été colmatées. Alcatel-Lucent a ainsi une nouvelle fois essuyé une très lourde perte trimestrielle.
Sur le plan boursier, l'action a fondu de plus de 60% depuis la réalisation de l'opération fin 2006.
Serge Tchuruk quittera la société le 1er octobre. Pat Russo suivra le même chemin d'ici la fin de l'année, une fois sa succession assurée. «La phase de fusion est maintenant derrière nous. (…) Le temps est venu pour cette entreprise d'acquérir une identité qui lui soit propre, indépendante de celle des deux sociétés d'origine,» a déclaré Serge Tchuruk.
Ces départs ont été annoncés parallèlement à la publication des résultats du deuxième trimestre de l'équipementier télécoms. Sur cette période, Alcatel-Lucent a essuyé une perte nette de 1,1 milliard d'euros contre 586 millions, un an auparavant. Le groupe a une nouvelle fois d- enregistrer une importante dépréciation de survaleurs, - 810 millions d'euros, liée au déclin de norme américaine de téléphonie mobile, CDMA, présentée à l'origine comme l'un des points forts de Lucent.
Sur une base ajustée, c'est-à-dire hors coûts de restructuration et amortissement des immobilisations incorporelles, le résultat d'exploitation ajusté est ressorti 93 millions d'euros, soit 2,3% des revenus, par rapport à un résultat d'exploitation ajusté de –19 millions d'euros, ou –0,4% des revenus, au deuxième trimestre 2007. Les analystes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur un résultat d'exploitation ajusté de 64 millions d'euros.
Les revenus, à 4,101 milliards d'euros, ont reculé de 5,2% (+1,7% à taux de change constant). La marge brute ajustée a, elle, représenté 34,9% du chiffre d'affaires, à comparer avec 33,4%, un an auparavant.
Concernant ses perspectives pour 2008, Alcatel-Lucent a maintenu ses prévisions. A taux de change courant, les revenus devraient connaître une baisse comprise entre 2% à 5%. Le chiffre d'affaires du troisième trimestre devrait être identique ou légèrement en baisse par rapport à ceux du deuxième trimestre. Une forte croissance est ensuite attendue au quatrième trimestre.
Enfin, le groupe continue d'anticiper pour l'année une marge brute ajustée comprise entre 34% et 36% et une marge d'exploitation ajustée située entre 2% et 5% de ses revenus pour l'année 2008.
(C.J)
EN SAVOIR PLUS
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- Dans une industrie très concurrentielle, Alcatel Lucent apparaît comme un acteur global disposant d'un portefeuille complet de produits et de services destinés aux opérateurs mais aussi aux autres types d'entreprises. La force du groupe est de détenir un portefeuille de technologies et de services permettant de proposer aux opérateurs des solutions de bout en bout.
- La diversité des activités permet une meilleure répartition des risques.
- Sur le "triple play" (voix, données et TV), à fort potentiel de croissance, l'offre d'Alcatel apparaît comme l'une des meilleures du marché.
- L'équipementier de télécoms cherche toujours à réduire ses dépenses, en recourant de plus en plus aux marchés émergents dans les domaines de la production, la R&D, les fournisseurs et les sous-traitants.
Les points faibles de la valeur
- La visibilité sur l'activité d'Alcatel est faible, le groupe a déçu les investisseurs à répétition.
- Alcatel souffre de son exposition à la technologie de téléphonie mobile CDMA, équivalent américain du GSM, en perte de vitesse.
- La baisse du dollar pénalise le chiffre d'affaires du groupe.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- Il est indispensable de surveiller attentivement l'évolution du marché des télécommunications, en particulier la santé des opérateurs, pour apprécier l'évolution de la demande en équipements.
- Confrontés à la concurrence des opérateurs alternatifs, des fournisseurs d'accès à Internet ou des câblo-opérateurs, les opérateurs perdent des abonnés, tandis que les revenus issus de la voix sont inexorablement amenés à s'effriter. Pour remédier à cela, les opérateurs n'ont d'autre choix que de se lancer dans le "triple play", c'est-à-dire de proposer des offres couplées d'accès au téléphone, à l'Internet haut débit et à la télévision.
- Les pays émergents représentent 45% du chiffre d'affaires d'Alcatel, et même 75% de ses revenus dans les réseaux mobiles. Ils pèsent déjà 45% des investissements des opérateurs dans le monde, part qui passera à 55% en 2008.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Equipementiers télécoms
Les ventes mondiales de téléphones mobiles ont continué d'enregistrer une croissance à deux chiffres (13,6%) au premier trimestre 2008, à 294,3 millions d'unités. Néanmoins des disparités apparaissent selon les régions. Ainsi, le cabinet Gartner souligne le recul de 16,4%, sur un an, des ventes en Europe de l'Ouest. Cette baisse serait liée au ralentissement économique de cette zone, auquel s'ajoute la maturité de la région en termes d'équipement mobile. Par contre la croissance dans les pays émergents ne se dément pas : en Asie-Pacifique, les ventes ont bondi de 26,6% sur un an, tandis qu'elles sont en hausse de 25,8% dans les pays d'Europe de l'Est. Parmi les fabricants, le Finlandais Nokia a consolidé sensiblement sa place de leader sur le premier trimestre, laissant loin derrière lui ses concurrents. Sa part de marché s'élève fin mars à 39,1% contre 35,5% un an plus tôt (avec 115,2 millions d'appareils vendus). Le Sud-coréen Samsung est le numéro 2 du marché avec 42,4 millions de téléphones. Motorola a conservé la troisième place mais sa part de marché chute de plus de 8 points à 10,2%. Sony Ericsson a subi également une baisse de sa part de marché et a cédé sa place de numéro quatre au Sud-coréen LG, dont la part de marché a progressé de 1,8 point.