Le constructeur d'automobiles japonais Suzuki a lancé lundi une procédure de "divorce" à l'encontre de son partenaire industriel et capitalistique allemand Volkswagen, jugé peu coopératif et trop autoritaire dans la direction des affaires.
Suzuki estime difficile la mise en oeuvre concrète des partages de technologies et autres collaborations qui présidaient pourtant initialement au mariage des deux entreprises, célébré fin 2009 lors d'une conférence à Tokyo où toute la presse japonaise et européenne avait été conviée.
Le patriarche, Osamu Suzuki, 81 ans, était alors intarissable sur les avantages de la belle entreprise allemande que son groupe s'apprêtait à épouser pour donner naissance à de nouvelles gammes de petits véhicules propres et sûrs, ultra-compétitifs au niveau mondial.
Aujourd'hui, le groupe nippon déchante : non seulement les enfants promis ne sont pas nés, mais en plus son pouvoir de décider de la conduite de ses propres affaires est rogné par son partenaire, alors que Suzuki a créé lui-même sa renommée sur les marchés japonais et indien des voitures de petit gabarit.
"De façon générale, il paraît difficile d'atteindre l'objectif que notre société s'était fixé dans le cadre de ce partenariat industriel", justifie Suzuki, lequel craint "des conséquences négatives" sur son indépendance de gestion.
Pour accompagner la mise en commun initialement souhaitée de technologies, notamment pour les véhicules propres de type hybride ou électrique, Volkswagen avait acquis en janvier 2010 environ 19,9% du capital de Suzuki, lequel avait aussi pris une petite participation de 1,5% dans le géant allemand.
Le constructeur japonais, qui avait déjà prévenu rapidement qu'il ne voulait pas que Volkswagen dépasse 20% de son capital, aimerait à présent qu'il cède toutes ses actions, et réciproquement.
"Nous allons racheter NOS titres détenus par Volkswagen" et " arriverons à développer seuls des véhicules propres", a affirmé aux journalistes M. Suzuki qui a assuré lundi que, depuis les noces, sur le plan technique "aucun projet n'a avancé".
Les deux groupes vont désormais devoir s'entendre sur les modalités concrètes de leur divorce et sur les suites de leur relation qui apparaît pour le moins compliquée, puisque Volkswagen, tout en reprochant des infidélités à Suzuki, a indiqué souhaiter maintenir les liens du couple sans quitter le tour de table de Suzuki.
"Nous sommes toujours intéressés" par la poursuite de la coopération industrielle et capitalistique avec Suzuki, a affirmé un porte-parole de Volkswagen à l'AFP, précisant vouloir conserver la part de 20% détenue dans la firme nippone.
Toutefois cette alliance nippo-allemande bat de l'aile depuis plusieurs semaines, Volkswagen accusant Suzuki d'avoir enfreint le contrat qui les lie en s'approvisionnant en moteurs diesels auprès d'un autre constructeur concurrent, en l'occurrence l'italien Fiat.
Dans ces conditions, pour les analystes, la vie du ménage est impossible et la fin de leur cohabitation est inévitable.
"La rupture rapide avec Suzuki montre que Volkswagen ne réussit pas à travailler avec d'autres constructeurs", a commenté Ferdinand Dudenhöffer, spécialiste de l'automobile au centre de recherche allemand CAR. "Désormais, il semble que le torchon ait brûlé entre les deux constructeurs", a acquiescé Stefan Bratzel, professeur à l'université de Bergisch Gladbach.
Aux yeux de cet expert, il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour Volkswagen, mastodonte du secteur qui aurait pu profiter de l'expertise de Suzuki sur les petits véhicules accessibles aux populations des pays émergents en pleine phase de motorisation, un marché prometteur.
Las, "les deux ne se sont jamais vraiment entendus". Alors, "plutôt que de vivre ensemble en se cherchant des poux dans la tête, mieux vaut reconnaître dès à présent que nous ne sommes pas faits l'un pour l'autre", a tranché Osamu Suzuki.