
Eurosceptique il y a encore peu, le gouvernement polonais se pose en sauveur d'un projet européen en crise durant sa présidence de l'UE, n'hésitant pas à brusquer les grands pays accusés d'égoïsme ou à bousculer la zone euro en lui donnant des leçons.
Les temps ont bien changé depuis la période où ce pays de 38 millions d'habitants était dirigé par les frères jumeaux Jaroslaw and Lech Kaczynski du parti conservateur Droit et Justice (PiS) et considéré comme un des plus hostiles à l'Union européenne.
Sous l'impulsion du Premier ministre libéral Donald Tusk, arrivé au pouvoir en 2007, un tournant a été pris. Les sondages attestent d'un fort soutien de l'opinion à l'UE, au moment même où dans "l'ancienne" Europe l'euroscepticisme ne cesse de grimper.
A l'occasion du lancement de sa présidence de l'UE le 1er juillet, le Premier ministre Donald Tusk n'a pas hésité à critiquer, sans les nommer directement, les grands pays comme l'Allemagne, la France ou l'Italie.
En cause: leur tendance à ne plus se préoccuper que de la défense de leurs "intérêts nationaux égoïstes" dans l'UE. M. Tusk y voit "une nouvelle forme d'euroscepticisme" où "des responsables politiques se disent favorables à l'UE et à la poursuite de l'intégration mais dans le même temps proposent des décisions ou des mesures qui affaiblissent" l'Union.
Varsovie a été particulièrement ulcérée par les restrictions apportées, sous pressions de Paris et Rome, à la zone sans passeport Schengen pour assouplir les possibilités de rétablissement des contrôles aux frontières nationales.
"Il y en a certains qui veulent conserver la cohésion de l'Europe et d'autres qui veulent la faire voler en éclat", a déploré dimanche un des principaux conseillers de M. Tusk, adam Jasser.
Ce discours n'empêche pas la Pologne de s'arc-bouter parfois elle-aussi sur ses intérêts nationaux bien compris lorsqu'ils sont menacés. Varsovie, qui dépend énormément du charbon pour son énergie, a bloqué fin juin un projet de l'UE d'afficher un objectif plus ambitieux de réduction des gaz à effet de serre.
-- critiques contre les plans d'aide en zone euro --
Sur l'avenir de la zone euro, dont elle ne fait pourtant pas encore partie, la volonté de Varsovie de peser dans les débats est encore plus nette.

Le ministre polonais des Finances, Jacek Rostowski, a ainsi critiqué la conception des programmes d'aide concoctés à ce jour par l'Europe en faveur de la Grèce, de l'Irlande ou du Portugal.
Les plans actuel "ont besoin de pas mal d'améliorations", a-t-il dit, les jugeant trop focalisés sur la réduction de la dette publique et pas assez sur les moyens de soutenir la croissance atone de ces pays.
En outre, alors que la Pologne est obligée légalement - contrairement au Royaume-uni et au Danemark - d'entrer dans l'euro lorsqu'elle remplira les critères requis, M. Tusk a posé une condition: l'Union monétaire doit d'abord se doter d'un système convaincant de prévention de futures crises de la dette.
Aujourd'hui, Varsovie refuse de se fixer la moindre date pour son adhésion. "Il faut que la zone euro sorte de l'hôpital", a souligné dimanche le ministre polonais aux Affaires européennes, Mikolaj Dowgielewicz.
Pour toutes ces raisons, la Pologne entend durant sa présidence de l'UE s'inviter au sein l'Eurogroupe, le conclave des ministres des Finances des seuls pays de la zone euro, afin de suivre au plus près les débats. Ce qui suscite des frictions car cela constituerait un précédent.
Le sujet a déjà provoqué un "vif débat" entre Varsovie et ses partenaires, de l'aveu de M. Tusk. Et si le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, s'est dit prêt, via son porte-parole, à inviter M. Rostowski à la prochaine réunion prévue le 11 juillet, rien ne semble clarifié pour la suite.