Les petits-enfants de Louis Renault attaquent l'Etat en justice pour contester la nationalisation-sanction de Renault en 1945 et obtenir réparation, nouvelle étape d'une campagne pour réhabiliter l'industriel accusé de collaboration pendant la Seconde guerre mondiale.
Sept héritiers du constructeur ont déposé une assignation devant le tribunal de grande Instance (TGI) de Paris afin de contester l'ordonnance de confiscation du 16 janvier 1945, qui transforme Renault en une Régie nationale, sans que Louis Renault, décédé entre-temps, n'ait été jugé.
"On a décidé de remettre en cause la nationalisation-sanction, de façon à pouvoir enfin ouvrir le débat et pouvoir rétablir la vérité", a expliqué à l'AFP Hélène Dingli-Renault, petite-fille de Louis Renault.
L'ordonnance de confiscation "est contraire aux principes fondamentaux du droit de la propriété", droit constitutionnel, a déclaré l'avocat des héritiers, Me Thierry Lévy, qui a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Si l'ordonnance est inconstitutionnelle, le tribunal pourra dire que la nationalisation constituait une "voie de fait", a affirmé Me Levy, dont les clients demandent par conséquent une indemnisation.
Ils veulent voir "réparer le préjudice ayant résulté de la dépossession de l'ensemble des biens, droits et participations" de Louis Renault, selon la plainte dévoilée par le Monde et dont l'AFP a eu copie.
Cette indemnisation "sera utilisée, ma famille et moi-même sommes tout à fait d'accord, pour créer une fondation Louis-Renault, de façon à ce que ce nom ne soit plus honni comme il l'a été pendant 70 ans", a précisé Mme Dingli-Renault.
Il revient désormais au TGI de décider de transmettre ou non la QPC à la Cour de Cassation qui à son tour décidera de saisir ou non le Conseil constitutionnel.
Les requérants sont les sept petits-enfants de Louis Renault qui avec ses deux frères avait fondé l'entreprise en 1898 dans la maison de campagne de leur père sur l'île Seguin à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), transformée en ateliers.
Placé en 1940 sous contrôle allemand, Renault a fabriqué du matériel pour la Wehrmacht, ce qui lui valut d'être accusé de collaboration à la Libération et d'avoir été la seule entreprise à être sanctionnée par une nationalisation.
A l'inverse des familles fondatrices de Citroën, Panhard et Peugeot, Louis Renault, arrêté en septembre 1944 pour collaboration, est dépossédé par simple ordonnance. Il est décédé le 24 octobre 1944 à la prison de Fresnes, sans avoir été jugé.
L'assignation déposée le 9 mai s'inscrit dans une campagne de réhabilitation de Louis Renault lancée par ses petits-enfants.
En 2010, la justice avait condamné le Centre de mémoire d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) à retirer une photo le montrant entouré d'Adolf Hitler et d'Hermann Göring au salon de l'auto de Berlin en 1939.
Mais en 1959, ils avaient été déboutés d'une demande d'indemnisation par le tribunal administratif qui avait estimé que "le transfert de propriété" édicté par l'ordonnance de 1945 "ne permet(tait) pas aux héritiers d'invoquer un droit de propriété mais un simple droit de créances".
Le tribunal avait toutefois précisé qu'il ne lui revenait pas d'apprécier "ni la constitutionnalité, ni l'opportunité" de l'ordonnance de 1945.
La création en 2008 de la QPC rend aujourd'hui cette contestation possible par les héritiers.
"S'ils arrivent à leur fins, cela peut coûter au contribuable français", déplorait en mars Sylvain Roger, ancien responsable CGT chez Renault.
Renault n'a pas souhaité faire de commentaire.