
Dominique Gevrey, le responsable de la sécurité de Renault incarcéré pour des soupçons d'escroquerie au renseignement, contre-attaque en assurant mardi, via son avocat, avoir obéi aux ordres d'une direction au comportement "paranoïaque".
Ancien militaire, M. Gevrey est incarcéré depuis le 13 mars. Soupçonné d'avoir contribué à une escroquerie au renseignement, il assure avoir agi de bonne foi en étant en contact avec une mystérieuse source, supposée avoir été à l'origine des accusations d'espionnage contre trois cadres du constructeur depuis innocentés.
"On lui a donné des objectifs, il les a appliqués. Nous apporterons les preuves des ordres donnés par la direction sur ces événements", a dit Me Jean-Paul Baduel à l'AFP.
Me Baduel met également en cause le climat de suspicion qui règnerait chez le constructeur et expliquerait cette affaire: "La paranoïa est pathologique chez Renault, cette société est gérée de façon paranoïaque".
Un entretien préalable en vue du licenciement de M. Gevrey par Renault, initialement prévu mardi, a été reporté, selon le groupe automobile, qui s'est refusé à tout commentaire sur les propos de l'avocat.
M. Gevrey a livré un nom, supposé être son informateur, lors de sa comparution devant le juge d'instruction chargé de l'enquête mais les enquêteurs s'interrogent sur l'existence même de cette source. Selon Le Canard Enchaîné à paraître mercredi, citant des enquêteurs, il a donné au juge "le nom passe-partout d'un homme soi-disant proche des services de renseignement belges - il ne sait pas lesquels - et complètement impossible à vérifier".

"Je n'ai aucune raison de douter de ce que dit mon client. Il a donné au juge des éléments pour travailler", a dit son avocat.
L'avocat s'interroge également sur la lettre de dénonciation anonyme ayant déclenché l'affaire, qui évoquait des pots de vin reçus par trois cadres de l'entreprise. Le dénonciateur citait le nom d'un responsable britannique de la Formule 1 de Renault et de deux autres cadres.
"Cette lettre mentionnait deux Français et un Anglais, ce sont finalement trois Français qui ont été licenciés. Il y a un nom qu'on a inventé et ce n'est pas Dominique Gevrey qui l'a inventé", accuse Me Baduel.
L'avocat a également justifié la détention par son client d'un compte en Suisse, en affirmant qu'il servait au paiement de la fameuse source.
"Il fallait bien payer la source et mon client a estimé que c'était plus facile de passer par la Suisse que par l'Espagne", a-t-il dit.
Des enquêteurs de la Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) sont parvenus à suivre le flux des 245.000 euros versés par Renault censés rétribuer la supposée "source" à l'origine des accusations d'espionnage, a révélé le Canard Enchaîné.
Cette somme a d'abord transité partiellement par l'Espagne, sur un compte détenu à la Caixa de Madrid par Michel Luc, ancien employé de la société de renseignement Geos censé avoir servi d'intermédiaire avec la "source".
Au moins la moitié des 245.000 euros a ensuite atterri sur un compte ouvert en 2010 à la Banque cantonale vaudoise de Lausanne par Dominique Gevrey, selon une source proche du dossier.
"Ce n'est pas Dominique Gevrey qui connaissait Michel Luc mais la société Renault. Renault a décidé de traiter directement avec lui en évitant le prestataire qui avait auparavant son contact", souligne Me Baduel.