Quand on évoque l'économie brésilienne, on compte en milliards de dollars pour montrer la bonne santé et le potentiel de ce vaste pays latino-américain de 193 millions d'habitants.
Mais Alessandra França a prouvé qu'avec une poignée de dollars, on peut changer la vie des pauvres, qui représentent encore 40 pour cent de la population.
Il y un an, cette jeune femme de 25 ans a fondé la banque Perola, une institution de prêts spécialisée dans le microcrédit pour les jeunes "fauchés" de la ville de Sorocaba, dans l'Etat de Sao Paulo, qui veulent s'insérer dans l'économie brésilienne mais n'ont pas les moyens de franchir la première marche tout seuls.
"Une personne emprunte 400 reais (240 dollars) pour acheter une carriole de hot-dogs. Elle aura un profit de 100 à 800 reais par mois", a expliqué Alessandra França à l'AFP.
"Elle fait un second emprunt de 1.000 reais et porte son revenu à 2.000 reais. Pour quelqu'un qui a très peu, 400 reais est une somme importante", ajoute-t-elle.
La jeune femme est arrivée encore enfant avec sa famille de l'Etat amazonien du Para pour s'installer à Sorocaba, une ville en pleine croissance où les condominiums de luxe côtoient les quartiers pauvres.
Inspirée à l'âge de seize ans par un livre sur le prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, fondateur de la "Banque des pauvres" au Bangladesh, França a obtenu un très convoité MBA (diplôme de conduite des affaires en entreprise) et a travaillé dans des associations de quartier, avec une seule idée en tête: changer la société.
"J'ai toujours rêvé de faire quelque chose pour le monde (...). Je me disais +pourquoi ne pas faire quelque chose de différent, quelque chose qui améliore les choses?+".
Elle a monté sa banque mais, à cause de sa jeunesse, il lui a fallu du temps pour convaincre les institutions financières de lui octroyer des lignes de crédit.
"Au début, j'essayais de paraître plus âgée en mettant des lunettes et des vêtements qui me vieillissaient. Mais je voyais que ça ne marchait pas vraiment (...). Pour surmonter les partis pris, j'arrivais très bien préparée aux réunions", se souvient-elle.
Aujourd'hui sa banque a 44 clients, âgés de 18 à 35 ans, qui ont emprunté au total 33.000 dollars. Chaque prêt ne peut dépasser 1.000 dollars et doit être remboursé en sept mois.
Le taux d'intérêt est de 4%, un taux très bas pour le Brésil où les banques prêtent à un minimum de 14%.
Le Brésil, traumatisé par le souvenir de l'hyperinflation des années 80, a porté ce mois-ci son taux directeur à 11,75%, le plus haut des pays industrialisés et émergents, pour contrôler la hausse des prix.
Ces micro-crédits sont "une grande aide. Parce que, lorsqu'on rêve de monter sa propre affaire, on ne peut pas répondre aux conditions (des banques normales). C'est formidable", a dit Eveline Garcia, une commerçante de 25 ans.
Eveline a quitté un emploi public pour ouvrir sa boutique de vêtements, à des prix imbattables, dans le quartier pauvre où elle vit.
Et pour Alessandra França, c'est juste le début.
Elle voit sa banque, qui a tout juste une douzaine d'employés, s'étendre à travers le Brésil pour répondre à un besoin que les banques traditionnelles ne remplissent pas. Selon elle, il existe déjà quelque 300 organismes de micro-crédit au Brésil.
"Les banques devraient considérer le micro-crédit comme une question sociale, pas seulement financière", fait-elle valoir.
Les profits sont bien moindres, mais "les emprunteurs deviennent des clients fidèles, et ils reviennent".