Les certificats d'investissement Areva chutent de 8,24% à 28,805 euros à la Bourse de Paris alors que plusieurs pays envisagent de ralentir la construction de nouvelles centrales. Cela pourrait provoquer un report des commandes au détriment d'Areva, l'un des principaux constructeurs de centrales nucléaires au monde. De plus, la tragédie nippone devrait conduire les pays concernés par l'énergie nucléaire à imposer aux constructeurs de centrales des contraintes de sécurité renforcées nécessitant des investissements supplémentaires.
Pour autant ce dernier effet pourrait être favorable à Areva. En tant qu'équipementier, le groupe devrait voir ses commandes en "service après vente" progresser avec la mise en place de nouvelles exigences en matière de sécurité.
A court terme néanmoins, le vent souffle en défaveur du nucléaire civil. Le Japon, qui représente 7% du chiffre d'affaires d'Areva, va revoir à la baisse son ambitieux programme. L'Archipel projetait de construire 14 nouveaux réacteurs en plus des 54 dont il dispose actuellement.
En Inde, le groupe nucléaire public Nuclear Power Corp. of India a déclaré que la catastrophe japonaise risquait de ralentir considérablement son programme nucléaire civil. De son côté, la Chine compte renforcer ses exigences en termes de sécurité. Des propos semblables ont été entendus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. En Allemagne, l'accord permettant de prolonger la vie des 17 centrales a été suspendu pour 3 mois.
Chez Areva comme au gouvernement, l'heure est à l'apaisement. Ainsi, le groupe souligne que ses réacteurs de troisième génération ont été prévus pour résister aux chutes d'avion et limiter les rejets dans l'ENVIRONNEMENT en cas de fusion.
Dans cet environnement des plus incertains, Areva a annoncé ce matin qu'il allait devoir débourser 1,62 milliard d'euros pour reprendre la participation de 34% de l'allemand Siemens dans sa filiale spécialisée dans la construction de chaudières nucléaires Areva NP. Ce prix, fixé par un expert indépendant est à l'avantage du groupe français. Dans ses comptes 2010, Areva évaluait à 2,049 milliards sa dette vis-à-vis de Siemens du fait de cette participation.
AOF - EN SAVOIR PLUS
=/Les points forts de la valeur/=
- Présent sur toute la chaîne nucléaire, Areva est bien placé pour tirer parti du retour du nucléaire dans le monde.
- Le plan stratégique lancé en 2005 a porté ses fruits : Areva a renforcé ses positions dans l'ensemble du cycle nucléaire.
- Le groupe public (détenu à 97% par l'Etat) se répartit désormais entre les Mines d'uranium, l'Amont (enrichissement, fabrication du combustible), les Réacteurs et Services, l'Aval (traitement et recyclage des déchets nucléaires) et les Energies Renouvelables.
- Ce nouveau mode d'organisation vise à tirer « le meilleur parti du modèle intégré » d'Areva, qui consiste à associer toutes les activités de la chaîne du nucléaire, des mines d'uranium au traitement des déchets, en passant par la construction des réacteurs.
=/Les points faibles de la valeur/=
- Pour saisir les opportunités sectorielles, le groupe a besoin de considérables financements. Il doit investir près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne entre 2009 et 2012. Or, l'Etat, son actionnaire majoritaire, n'a pas les moyens de soutenir le développement de la société.
- Areva affiche un cash-flow opérationnel négatif. La situation financière de l'industriel est contrainte. Plusieurs mesures (cessions, augmentations de capital, émissions obligataires) visent à améliorer la situation. Mais elles tardent à se concrétiser. Seule la cession de T&D (à Alstom et Schneider) a été réalisée.
- L'agence de notation Standard & Poor's a abaissé fin juin 2010 de 2 crans la note d'Areva à « BBB+ », contre « A ». L'agence estime que « la profitabilité du groupe va rester déprimée au cours des deux prochaines années ». Cette dégradation pourrait nuire au financement sur le marché obligataire.
- La construction de réacteurs n'est pas rentable. Cette activité était en perte opérationnelle, même avant les provisions du chantier finlandais. Le groupe propose des réacteurs de troisième génération appelés EPR, qui sont encore des prototypes.
- Depuis le début du chantier de l'EPR, le groupe dirigé par Anne Lauvergeon a été contraint de passer des provisions supplémentaires (et conséquentes) à de nombreuses reprises. Les analystes en attendent de nouvelles d'ici à l'achèvement du chantier. La visibilité reste donc faible sur ce dossier.
=/Comment suivre la valeur/=
- Areva peut encore être considérée comme une valeur de restructuration.
- Le dossier est éminemment politique.
- Le marché spécule régulièrement sur le départ prochain d'Anne Lauvergeon, la médiatique dirigeante d'Areva. Son mandat prend fin en juin 2011.
- Le projet d'augmentation de capital est un véritable feuilleton à rebondissement. Une première recapitalisation de 900 millions d'euros a néanmoins été bouclée en décembre 2010 avec une participation au deux tiers de KIA, le fonds souverain koweitien. Mais Areva semble envisager d'autres options pour financer ses besoins en développement comme une ouverture du capital avec mise en Bourse, solution privilégiée depuis plusieurs années par Anne Lauvergeon, l'entrée du FSI ou encore un rapprochement des actifs miniers d'Areva avec ceux d'Eramet.
- L'augmentation de la part d'EDF au capital d'Areva est souvent évoquée. Areva et EDF sont historiquement imbriquées. Areva est le premier fournisseur d'EDF et EDF son premier client. Mais leur relation n'est plus exclusive et les deux groupes sont en désaccord sur deux contrats. L'une des brouilles, dans le traitement du combustible usé, a été résolue. L'autre, l'enrichissement d'uranium, est encore en discussion.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Services aux collectivités
Le deuxième acteur mondial dans le domaine de l'électricité est né. Deux ans après la fusion entre Gaz de France et Suez, GDF Suez vient de reprendre le britannique International Power. Il est ainsi propulsé du neuvième au deuxième rang des producteurs mondiaux d'électricité, derrière EDF. Il devient également le leader mondial des groupes de services aux collectivités (utilities) en tenant compte de la production de gaz. Toutefois, cette opération va accroître la dette de GDF Suez, qui va passer de 33,5 à 42,4 milliards d'euros. Le groupe français compte donc lancer des cessions de 4 à 5 milliards d'euros.