La famille Hermès a remporté jeudi une première manche dans la guerre qui l'oppose au groupe LVMH, avec la décision du gendarme de la Bourse de valider sa parade contre les appétits du leader mondial du luxe mais la bataille est loin d'être terminée avec au moins un recours annoncé.
L'autorité des marchés financiers français (AMF) a annoncé jeudi à la mi-journée qu'elle autorisait les héritiers de Thierry Hermès à ne pas lancer d'OPA sur la totalité du groupe après leur décision de créer un holding pour contrer l'arrivée surprise fin octobre de LVMH dans son capital.
Entré fin octobre à hauteur de 17,1%, le groupe LVMH détenait fin décembre 20,21% du capital de la griffe.
Les héritiers d'Hermès en possèdent 73,4% mais aucun d'entre eux n'en a individuellement plus de 5%. Pour verrouiller le capital, ils ont opté sur les conseils d'avocats d'affaires pour la création d'un holding regroupant plus de 50% du capital du groupe.
Mais la législation française oblige tout actionnaire ou groupe d'actionnaires qui franchit le seuil de 33% du capital à faire une OPA sur le solde. D'où la demande de dérogation de la famille à l'Autorité des marchés financiers (AMF), assurant qu'il s'agit d'un simple "reclassement" des parts.
"C'est une première victoire clairement pour Hermès", analyse Jean-François Bay, ancien collaborateur de l'institution et enseignant associé à l'université de Paris Dauphine, interrogé par l'AFP.
"C'est aussi un rééquilibrage" pour Hermès, déstabilisé par le groupe LVMH, contrôlé par le milliardaire Bernard Arnault, a ajouté M. Bay.
Sollicité par l'AFP, le leader mondial du luxe se refusait jeudi après-midi à tout commentaire.
Les membres de la famille Hermès assurent de leur côté que la décision de l?AMF leur permettra de mener à bien le reclassement "qui traduit la volonté unanime de la famille de préserver la culture d?Hermès".
Toutefois le maroquinier n'a pas encore le champ libre pour constituer son holding car un ou plusieurs recours devant la Cour d'appel de Paris pourraient être déposés rapidement.
A commencer par celui de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam) qui a estimé qu'on ne pouvait "pas laisser cela sans aller devant la Cour". "On ne peut pas avoir une jurisprudence qui nous soit contraire pour les cas suivants", a poursuivi la présidente de l'Adam Colette Neuville.
LVMH a la possibilité de le faire mais selon M. Bay, "ce serait maladroit, surtout qu'ils sont dans le viseur de l'AMF", allusion à l'enquête ouverte par l'AMF pour déterminer si M. Arnault a respecté la réglementation lors de sa première montée au capital d'Hermès via des instruments financiers complexes.
Depuis sa création en 2003, seules trois dérogations accordées par l'institution ont fait l'objet d'un recours judiciaire. Une seule a été annulée.
"L?AMF a su rester indépendante et ne pas se laisser influencer, malgré la pression qu?elle a subie ces derniers jours, à la limite de l'indécence", a jugé Fabrice Rémon, associé du cabinet de conseil aux petits actionnaires Deminor, qui s'est placé aux côtés de Hermès dans cette affaire.
L'association des petits porteurs actifs (Appac), qui salue également la décision de l'AMF, souligne pour sa part que "les actionnaires individuels veulent rester dans le capital d'Hermes et refusent toute expropriation qui pourrait avoir lieu au travers d'une OPR" (offre publique de retrait).
A la Bourse de Paris, le titre Hermès a terminé jeudi en repli de 1,90%, à 155,05 euros, alors que l'action LVMH grimpait de 2,50% à 122,00 euros.
Pour Vincent Hamel, analyste chez Macquarie Research, la baisse du titre s'explique car la décision de l'AMF "éloigne une OPA immédiate de Bernard Arnault".