Atos Origin a racheté à peu de frais les services informatiques du conglomérat allemand Siemens, une opération qui va propulser le groupe français parmi les grands de la technologie en lutte pour conquérir le marché très convoité de l'informatique dématérialisée ("cloud computing").
"C'est un grand jour pour la France et l'Allemagne, et pour l'industrie européenne", a déclaré avec emphase Peter Löscher, PDG de Siemens, lors d'une conférence de presse mercredi à Paris.
L'accord dévoilé la nuit précédente intervient sur fond de contexte industriel tendu entre la France et l'Allemagne ces dernières semaines, après que Siemens a raflé en octobre au nez et à la barbe d'Alstom un important contrat de renouvellement des trains à grande vitesse Eurostar.
Il s'avère gagnant pour les deux partenaires : Siemens cherchait à se débarrasser de son activité "IT" (technologies de l'information) structurellement déficitaire, tandis qu'Atos Origin voulait grossir, dans un marché où la taille est clé.
Avec cette opération, Atos deviendra numéro un en Europe avec un chiffre d'affaires de 8,7 milliards d'euros, au coude à coude avec son grand rival français Capgemini, pour un effectif mondial de 78.500 salariés.
L'action Atos était fêtée à la Bourse de Paris, où elle grimpait de 11,51% à 37,69 euros vers 13H45 (12H45 GMT) tandis qu'à Francfort, le titre Siemens était en légère hausse.
Dans le détail, Atos va acquérir Siemens IT Solutions and Services pour 850 millions d'euros, et devenir le sous-traitant de Siemens en infogérance pendant sept ans. Ce contrat, évalué à 5,5 milliards d'euros, est l'un des plus gros jamais négocié dans le secteur.
Siemens, en échange, va entrer au capital d'Atos à hauteur de 15%, et souscrire des obligations convertibles en actions à hauteur de 250 M EUR.
Le groupe français ne déboursera in fine que 186 M EUR en numéraire, si bien que sa dette sera nulle dès la fin 2012.
En outre, il a obtenu que Siemens prenne en charge les frais de restructuration de son ancienne activité à hauteur de 250 M EUR.
En effet, quelque 1.750 postes seront supprimés chez Siemens IT, qui a déjà vu ses effectifs fondre de 4.200 cette année.
Ce nouveau plan a obtenu le soutien d'IG Metall, le puissant syndicat allemand, a fait valoir Thierry Breton, l'ancien ministre français des Finances à la tête d'Atos depuis deux ans.
Dans le même temps, le groupe compte embaucher jusqu'à 8.000 personnes en 2011, dont 1.600 en France.
Pour Atos, il s'agit de ne pas se laisser distancer dans la course au "cloud computing", soit la possibilité pour les entreprises ou les particuliers de stocker leurs données et de les faire gérer à distance par des serveurs.
Récemment, Hewlett-Packard et Dell se sont écharpés pour acquérir 3PAR, un spécialiste du "cloud computing" que Thierry Breton n'a pas hésité à qualifier de "fait le plus important pour l'industrie dans la prochaine décennie".
Le nombre de données devant être stockées doublant tous les 18 mois, il est nécessaire de créer des "fermes de serveurs", des espaces de plusieurs milliers de mètres carrés très consommateurs d'énergie, a expliqué l'ancien ministre français des Finances, précisant qu'Atos possède 30 centres.
"Auparavant NOS clients devaient sur-dimensionner leurs capacités informatiques pour faire face aux pics de sollicitations des serveurs; désormais, ils payent à la demande" pour avoir accès à ces ressources mutualisées, a-t-il poursuivi.