Pressé par l'Autorité des marchés financiers, Safran a fait connaître vendredi sa décision concernant Zodiac : il ne fera pas d'offre car les conditions d'un rapprochement amical ne sont pas réunies. Cette déclaration a entraîné la disparition de la prime spéculative sur Zodiac qui a chuté de 6,05% euros tandis que Safran progressait de 4,48%. Les investisseurs ont salué la disparition d'une incertitude majeure. Selon la réglementation boursière, cette décision engage Safran pour une période de 6 mois, sauf modifications importantes des conditions de marché.
Ce qui signifie que si Zodiac faisait l'objet d'une OPA de la part d'une autre société, Safran pourrait lancer une contre offre.
« Depuis juin dernier, Safran, a approfondi et confirmé pleinement son analyse du bien fondé industriel et des complémentarités technologiques de portée stratégique offertes par un rapprochement avec Zodiac Aerospace », a souligné l'équipementier aéronautique dans son communiqué. Le développement de l'avion « plus électrique », c'est-à-dire comportant plus de systèmes électroniques qu'actuellement est prometteur, était l'une des raisons avancées pour justifier ce rapprochement.
Les investisseurs ne croyaient guère au lancement d'une offre. D'une part, le management et les principaux actionnaires de Zodiac ont fait part à plusieurs reprises de leur opposition. D'autre part, Safran doit intégrer deux acquisitions récentes : SNPE Matériaux Energétiques dans la propulsion-fusée à propergol solide et la société américaine L-1 Identity Solutions dans les solutions de sécurité biométrique.
UBS a abaissé sa recommandation sur Zodiac d'Acheter à Neutre à la suite de cette annonce en raison de sa valorisation. L'américain Hamilton Sundstrand ayant officiellement démenti être intéressé par Zodiac, l'analyste ne voit aucune raison d'intégrer une prime spéculative dans son objectif de cours de 52 euros.
AOF - EN SAVOIR PLUS
Les forces de la valeur
- Safran dispose d'une solide base dans l'aéronautique et la défense, au potentiel de développement substantiel. Safran est ainsi le troisième acteur de l'industrie européenne de l'aéronautique/défense (derrière EADS et BAE).
- La sortie de l'activité de communication a permis à Safran de poursuivre son recentrage sur son coeur de métier : la propulsion, l'aéronautique, la défense et la sécurité.
- Le groupe vise à devenir un leader mondial dans les solutions d'identification basées sur la biométrie et dans la détection. Le marché de la sécurité est peu cyclique et dégage une croissance à deux chiffres.
- Le groupe continue de bénéficier d'un effet mix entre les moteurs de première et seconde génération (soit environ 52% de la base installée) puisque 70% de ces moteurs ne sont pas encore passés en atelier de maintenance.
- Le groupe génère des cash flows récurrents élevés et bénéficie d'une situation financière saine. Ses liquidités s'élèvent à 4 milliards d'euros.
Les faiblesses de la valeur
- Les objectifs de croissance du groupe restent conditionnés à la confirmation de la reprise du trafic aérien.
- Les plans de rigueur dans de nombreux pays européens devraient viser en premier lieu les dépenses militaires avec une baisse des crédits recherche ou encore une réduction de certains programmes transnationaux.
- Le retard accumulé par le programme A400M est un handicap. Safran fait partie via Snecma du consortium européen chargé du développement du moteur de l'avion de transport militaire d'Airbus.
- Safran est également dépendant du programme B787 de Boeing, sur lequel la visibilité reste faible.
- L'étroitesse du flottant (39%) rend la valeur volatile.
- La fin de l'engagement collectif de conservation de titres chez Club Sagem (qui détient 8,6% du capital) et la forte probabilité d'une cession sur le marché de la participation de 7,4% d'Areva sont deux éléments qui pourraient peser à court et moyen terme sur le cours du motoriste.
Comment suivre la valeur
- Safran est sensible à l'évolution du secteur aéronautique civil et militaire.
- Les négociations tarifaires avec les constructeurs, notamment Airbus et Boeing, sont à suivre.
- Safran est une valeur très sensible au dollar puisqu'une variation de 10% de la parité aurait, toutes choses étant égales par ailleurs et hors couvertures, un impact de l'ordre de 315 millions d'euros au niveau de l'EBIT.
- L'un des principaux actionnaires de Safran est l'Etat avec 30,2% du capital.
- Le secteur aéronautique pourrait rapidement faire l'objet de grandes maneouvres :
i) l'Etat examine notamment le dossier de reprise de SNPEMatériauxEnergétiques par Safran. Le groupe souhaite depuis plusieurs années mettre la main sur les actifs de propulsion solide de SNPE, notamment utilisée pour les fusées Ariane.
ii) les discussions se poursuivent avec Thales en vue d'une correction de périmètre qui pourrait prendre la forme d'un échange d'actifs. De nombreux scenarii sont avancés.
iii) malgré le refus de Zodiac pour un rapprochement entre les deux équipementiers, Safran maintient le dialogue, convaincu de l'attrait de cette opération qui créerait un géant aéronautique mondial. Il a le soutien de l'Etat pour mener ce projet.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Aéronautique - Défense
Les analystes s'attendent à un rebond des fusions acquisitions dans le secteur, qui était jusqu'ici resté en marge du mouvement. La dernière opération a été réalisée fin octobre 2008, lorsque Finmeccanica a acquis DRS Technologies pour 5,2 milliards de dollars. Safran vient de boucler le rachat de l'américain L1 pour 1 milliard de dollars. Il aimerait également racheter Zodiac, alors que celui-ci tient à son indépendance. Plusieurs indicateurs soulignent la consolidation potentielle du secteur. Pendant la crise, les différents intervenants ont généralement géré leur trésorerie de façon prudente, ce qui leur permet aujourd'hui de bénéficier de liquidités abondantes. En outre, restructurés, ils bénéficient de finances assainies.