Après avoir perdu une bataille commerciale contre Siemens pour la fourniture de nouveaux trains à la compagnie transmanche Eurostar, Alstom a échoué devant la justice et doit se reposer sur le succès d'un éventuel appel pour espérer bloquer la signature du contrat.
La Haute Cour de Justice de Londres a débouté vendredi le groupe français qui cherchait, dans une action équivalant au référé, à obtenir la suspension de l'appel d'offres au terme duquel Eurostar a annoncé l'achat de dix trains à grande vitesse à son rival allemand pour 600 millions d'euros.
Le coup avait été rude pour Alstom, qui était jusqu'à présent l'unique fournisseur en trains à grande vitesse du groupe SNCF, maison mère d'Eurostar à 55%.
"Le dossier présenté par Alstom n'a pas l'air très solide", a estimé vendredi le juge Geoffrey Vos, ajoutant qu'il était "improbable" que le groupe français puisse l'emporter sur le fond lors d'un procès.
Une telle action en justice "aurait coûté cher à Eurostar", a-t-il noté, car il aurait fallu attendre jusqu'en 2011 "au plus tôt" pour que la compagnie transmanche puisse commander ses trains.
Eurostar veut être livré en 2014 et compte se lancer sur de nouveaux marchés, avec notamment des liaisons directes depuis Londres vers les Pays-Bas, le nord-ouest de l'Allemagne ou la Suisse.
Son concurrent déclaré le plus sérieux, la Deutsche Bahn allemande, a de son côté annoncé son intention de gagner Londres avec un matériel similaire à partir de décembre 2013.
"Nous sommes très contents. Nous étions confiants sur la qualité de notre appel d'offres. Nous allons pouvoir travailler plus sereinement", a sobrement déclaré à l'AFP Nicolas Petrovic, le directeur général d'Eurostar.
Siemens, qui s'était joint à son client dans la bataille judiciaire, s'est également déclarée "très heureux".
"Nous sommes satisfaits de voir que notre offre a été reconnue comme valide. Notre objectif est maintenant de pouvoir signer le contrat avec Eurostar dès que la procédure judicaire le permettra", a indiqué un porte-parole.
Alstom peut en effet faire appel. Le groupe devrait dire s'il le fait lundi, mais il devra alors prouver que la décision du juge est infondée, a-t-on appris de source proche du dossier.
"Alstom prend note de la décision de la Haute Cour de Londres et de la reconnaissance par le juge que le groupe a présenté des arguments sérieux à faire valoir devant une autre instance et qui concernent les incertitudes autour des règles de sécurité relatives au tunnel sous la Manche et le +process+ d'évaluation des offres", a réagi une porte-parole du groupe français.
Reste que les rames commandées par Eurostar ne sont pas conformes aux règles de sécurité actuelles dans le tunnel sous la Manche, ce qui a suscité la colère du gouvernement français.
Se défendant de tout protectionnisme, celui-ci reproche à la compagnie transmanche d'avoir anticipé la révision à venir des normes de sécurité.
Paris reproche notamment le choix d'une motorisation répartie le long des rames, ce qui permet de gagner de la place mais augmenterait aussi les risques d'incendie.
Mais après avoir d'abord déclaré que la commande d'Eurostar était "nulle et non avenue", le secrétaire d'Etat aux Transports français Dominique Bussereau joue désormais l'appaisement.
"Il faut faire évoluer le système de sécurité du tunnel pour pouvoir accueillir d?autres trains", a-t-il déclaré dans une interview au magazine Ville, Rail & Transports.
"Il doit y avoir des solutions, mais cela vaut la peine que l?on y réfléchisse", a-t-il ajouté, appelant l?Agence européenne de sécurité ferroviaire à donner son avis.