Safran et Thales ont mis fin aux discussions pour rapprocher certains de leurs savoir-faire, en dépit des pressions du gouvernement français qui entendait rationaliser les activités des deux groupes semi-publics d'aéronautique et défense.
"Les discussions entre Safran et Thales sont closes" après plusieurs mois de pourparlers qui auraient pu mener à des échanges d'actifs entre les deux groupes, ont-ils tous les deux officiellement annoncé mardi matin.
"Elles n'ont pas abouti faute d'un accord équilibré", explique l'intersyndicale de Safran après avoir rencontré la direction de l'entreprise.
Ces discussions s'étaient ouvertes à la demande pressante du ministre de la Défense, Hervé Morin, qui poussait à un rapprochement afin de cesser de financer deux filières technologiques redondantes dans certains domaines.
Actionnaire de Safran (30%) et de Thales (27%), l'Etat est aussi l'un des grands clients des deux groupes.
Le gouvernement semble donc avoir échoué à imposer sa volonté face aux réticences des deux entreprises. "Le principal enseignement est que la rationalisation dictée par le gouvernement n'a pas pu être mise en oeuvre", jugent les analystes de la banque Bryan Garnier.
Mais le ministre de la Défense ne renonce pas pour autant. "Le sujet reste ouvert" et "de toute façon il faut y arriver", insistait-on mardi dans son entourage.
En attendant, le ministère va continuer à geler des dépenses de recherche et technologies à destination des deux entreprises -de l'ordre de quelques dizaines de millions d'euros- afin de faire pression sur elles.
Les pourparlers portaient initialement sur les activités optronique et la navigation inertielle, deux technologies utilisées dans les domaines militaire et aéronautique.
Ces perspectives avaient suscité des inquiétudes au sein des deux groupes, où les salariés craignaient un démembrement de leur activité.
La direction de Safran n'avait pas non plus caché que la volonté de l'Etat n'était pas le seul paramètre à prendre en compte. "Nous écoutons le client et l'actionnaire mais notre projet est de créer de la valeur pour Safran, c'est-à-dire l'ensemble de ses actionnaires, et de permettre aussi un développement de ses activités dans des conditions optimales au profit de NOS salariés", déclarait le mois dernier le président du directoire Jean-Paul Herteman.
Les personnels de Thales s'étaient pour leur part alarmés récemment de l'intégration dans les négociations de l'activité de calculateurs embarqués, jugée stratégique pour le groupe et qu'ils ne souhaitaient pas voir passer chez Safran.
"De telles manoeuvres ouvrent la porte aux interprétations les plus diverses, comme celle d?une tentative masquée de prise de contrôle de la totalité de l?activité avionique de Thales", s'inquiétait l'association des actionnaires salariés (APAT) du groupe.
Après l'officialisation de la rupture des discussions, les syndicats semblaient satisfaits mardi.
"Cette annonce est un soulagement, car la précipitation et les contours du rapprochement Thales-Safran risquaient de générer d'importantes pertes d'emplois, de menacer des sites français de (la filiale de Safran) Sagem et ne reposaient pas sur des projets industriels cohérents et construits", juge ainsi la CFDT de la branche Mines et métallurgie.
A la Bourse de Paris, Thales et Safran faisaient partie mardi des rares valeurs dans le vert: +1,69% à 28,23 euros pour le premier et +0,34% à 20,89 euros pour le second, vers 14H20 (12H20 GMT).