Le gouvernement travailliste de Gordon Brown a témoigné mercredi son soutien aux moins nantis du pays aux dépens des plus riches pour son dernier budget avant des législatives cruciales, tout en restant très évasif sur la réduction du déficit public.
Le ministre des Finances Alistair Darling a dressé le portrait d'un gouvernement sorti mûri de l'épreuve de la crise financière et l'a nettement recadré au centre-gauche : "Sans revenir à l'interventionnisme du passé, le gouvernement n'en viendra pas non plus à l'approche détachée des partisans du libre marché", a-t-il déclaré en présentant aux Communes son dernier budget avant les élections, attendues le 6 mai.
Quoique très limité dans ses cadeaux pré-électoraux par l'étendue du déficit public, M. Darling a néanmoins annoncé une myriade de petites mesures pour soutenir ménages et entreprises.
Pour les premiers, la mesure-phare est une exemption du droit de timbre sur les logements d'un prix inférieur à 250.000 livres (280.000 euros) qui bénéficiera à neuf primo-accédants sur dix. Cette mesure immédiate sera financée par une hausse de la taxation sur les maisons de plus d'un million de livres, l'an prochain.
Dans la même veine d'équilibre entre nantis et moins nantis, M. Darling a annoncé des mesures pour les PME, et la création d'un organisme chargé de gérer quatre milliards de livres d'aides à ces petites entreprises.
Les banques devront en revanche mettre la main à la poche pour les aider, notamment RBS et LBG, dont le gouvernement possède 84% et 41,3% depuis la crise.
Après avoir été au coeur des préoccupations des précédents budgets, les banques ont cette fois été reléguées par le ministre au rang d'auxiliaires à tout faire et désormais dociles du bon fonctionnement de l'économie. Au passage, il a indiqué que la taxe sur les bonus avait rapporté deux milliards de livres (2,2 mds EUR).
Ces mesures ont été bien accueillies : le cabinet Deloitte a "salué" l'exemption de taxe immobilière, tandis que la principale organisation patronale, la CBI, jugeait qu'il s'agissait là d'un "budget intelligent, avec davantage de mesures de soutien aux entreprises qu'on n'aurait pu espérer".
En revanche M. Darling a déçu ceux qui espéraient un plan clair de réduction du déficit public. Celui-ci a été moins important qu'attendu en 2009/2010, à 11,8% du PIB au lieu de 12,6%, et, malgré un très léger abaissement de la prévision centrale de croissance l'an prochain (3,25% au lieu de 3,5%), il devrait redescendre à 4% du PIB (et non 4,4%) en 2014/15.
Mais M. Darling, auquel donnent raison 56% contre 32% des personnes interrogées dans un sondage Ipsos Mori du jour, a confirmé qu'il n'avait aucune intention de s'attaquer plus fermement au déficit dès l'année 2010-2011, pour "ne pas faire dérailler la reprise". Il a seulement prévenu que le programme des dépenses à partir de 2011 serait "le plus drastique depuis des décennies".
"Le ministre "a esquivé le grand sujet du jour", a regretté l'Institut des membres de conseils d'administration (IoD), résumant l'impression générale.
David Cameron, le leader des Conservateurs, au coude à coude avec le Labour dans les sondages, a accusé les travaillistes d'avoir "fait un véritable gâchis de l'économie britannique et de ne rien faire pour le nettoyer", a-t-il résumé. Le leader libéral-démocrate Nick Clegg a accusé M. Darling de "déni" sur l'étendue du déficit.
Tant la Bourse de Londres que la livre sterling sont cependant restées paisibles. "Cela tranquillisera sans doute le Chancelier", a estimé Howard Archer d'IHS Global Insight, "après ce discours hautement politique mais qui ne devrait pas entrer dans l'Histoire comme celui qui a déterminé l'élection".