(AOF / Funds) - Le discours d'Annecy du président de la République, annonçant la création d'un fonds d'investissement public pour les entreprises, est un discours fondateur. A un moment où s'opère un «credit crunch» de grande ampleur, pur produit de la crise dite des «subprime», ce discours affirme la prééminence des PME dans la création de valeur et d'emploi et redonne au métier de capital-investissement ses lettres de noblesse. Après deux décennies pendant lesquelles ce métier s'est largement privatisé (ce qui est bon en soi) et égaré dans le financement presque exclusif de grosses opérations financières à fort effet de levier, l'impulsion de l'Etat peut remettre le capital-investissement dans le droit chemin de la création d'emploi par les PME. Back to Basics…
Encore faut-il ne pas se tromper de cibles et d'armes. Le fonds d'investissement public tel qu'esquissé par le président de la République regroupe, en effet, un ensemble de préoccupations qui, chacune, mérite un traitement adapté. Le pire serait, dans ce domaine, la constitution d'un «fonds fourre-tout», qui, certes, aurait le mérite d'investir et donc de renforcer nos entreprises, mais sans traiter avec le soin et le professionnalisme nécessaires les préoccupations sous-jacentes au discours présidentiel. On ne peut, en effet, traiter de la même manière les sociétés cotées pouvant faire l'objet d'attaques de la part de prédateurs, les PME saines confrontées à une trésorerie subitement insuffisante et les PME en difficulté qu'il faut peut-être sauver car elles appartiennent à une «filière» qui serait d'intérêt national.
Comme chacune des activités visées a ses modes opératoires et ses spécialistes, il conviendrait d'organiser, pour chacune d'elles, une entité spécifique, dotée de la personnalité morale pour en suivre strictement le bilan et les performances. Chacune de ces entités devrait «faire faire» plutôt que «faire», en lançant auprès d'équipes existantes sur le marché ou à créer des appels d'offres sur la base de cahiers des charges précis. L'application de ce principe de base devrait, entre autres, permettre la création de fonds dédiés aux opérations de restructuration et de retournement gérés par des vrais spécialistes de ces opérations délicates. En outre, il faudrait créer des fonds de prêts subordonnés ou de dettes dites «mezzanines».
Mais il est indispensable, comme ce fut le cas il y a une vingtaine d'années pour les prêts participatifs consentis par le Trésor aux PME en difficulté, que ces financements publics soient accompagnés d'une quote-part de vrais fonds propres, c'est-à-dire de capitaux à risques, apportés par des entrepreneurs ou par des spécialistes privés du capital-investissement. Sinon la «mauvaise monnaie chasserait la bonne» et on reviendrait au bon vieux temps de l'économie d'endettement… Alors que l'inflation n'est plus au rendez-vous pour en gommer les effets.
Autre volet important : pour améliorer la situation du crédit interentreprises, alors que la SFAC est tentée par un repli frileux qui mine la confiance des clients/fournisseurs et constitue un autre aspect du fameux «credit crunch», il conviendrait de lancer d'urgence un Fonds national de garantie qui rétablirait la confiance.
Enfin, la gouvernance de ce fonds public devrait être particulièrement étudiée : chaque entité qui le composerait devrait être dotée d'un véritable conseil de surveillance. Ces conseils devraient être, pour partie, composés de «spécialistes de terrain» des métiers concernés et, pour partie, de parlementaires garants du bon usage de l'argent des contribuables.
Ces conseils de surveillance par entité spécialisée (sociétés cotées, sociétés non cotées en mal de trésorerie, sociétés à restructurer dans le cadre de filières prioritaires) seraient d'autant plus efficaces qu'ils recevraient des lettres de mission précises de la part des pouvoirs publics : faudra-t-il sauver toutes les sociétés cotées dès lors qu'un prédateur s'annonce, qu'il faudra d'ailleurs qualifier ? Faudra-t-il financer toutes les sociétés saines et non cotées en mal de trésorerie, si le défaut de trésorerie est d- à une mauvaise gestion ou à un retournement durable de marché ? Faudra-t-il, à tout prix, assurer la survie d'entreprises malades et donc souvent mal gérées dès lors que le secteur sera considéré comme prioritaire ?
En d'autres termes, et au-delà de l'effet d'annonce qui contribue à restaurer la confiance, le Fonds d'investissement public, dont le lancement rapide constitue une «impérieuse nécessité», ne doit pas être un éléphant dans un magasin de porcelaine… Mais plutôt un «turbo» permettant de dynamiser les gazelles…
Dominique Nouvellet, président du groupe Siparex, et Olivier Pastré, professeur à l'Université de Paris VIII