(AOF / Funds) - C'est à qui présentera le plus gros et le plus beau ? Face à la récession qui menace, qui est déjà une réalité parfois, les grands Etats de la planète se sont engagés depuis quelques semaines dans un véritable concours de beauté : c'est à celui qui engagera le plan de relance le plus spectaculaire, le plus original, le plus impressionnant aussi. Dans cette compétition, les Etats-Unis font figure de leader naturel.
Le plan Obama est bien s-r le plus massif de tous ceux évoqués jusqu'à présent sur la planète. Il y est question d'un ensemble de dispositions qui pourrait engager quelque 775 milliards de dollars sur deux ans. On a beaucoup évoqué la réduction d'impôts promise à 95 % des ménages américains, lesquels devraient recevoir à ce titre, très vite, un chèque de 1 000 dollars. Les grands travaux envisagés sont cependant tout aussi importants – ils devraient peser plus de la moitié dans l'ensemble des dépenses prévues.
De ce côté-ci de l'Atlantique, beaucoup, à droite comme à gauche, vantent les mérites de la stratégie préconisée par Barack Obama. Migaud, Carrez, Maillé et d'autres suggèrent ainsi, à la suite des syndicats, que le plan français en cours de discussion au Parlement ne ferait pas suffisamment la part belle à la consommation, qu'il faudrait donc accompagner les 26 milliards déjà annoncés d'un coup de pouce supplémentaire en faveur du pouvoir d'achat des ménages. Si le débat est légitime, il n'en reste pas moins que la comparaison entre l'Amérique et la France est peu fondée.
Tout d'abord, la récession est aux Etats-Unis une réalité, alors qu'elle n'est encore en France que virtuelle. La chute de la production outre-Atlantique est brutale et générale – l'Etat parie sur un recul du PIB d'au moins 2 % cette année. En France, la production s'essouffle, elle ne s'effondre pas encore. La récession américaine trouve ensuite sa cause première dans l'effondrement de la consommation. Les ventes de Noêl auraient été, les plus faibles depuis quarante ans. Cette faiblesse des achats est à la fois liée à la crise immobilière, à la fin du crédit facile et à l'explosion du chômage. Rien de tout cela en France. Sans nier la réalité des difficultés du pays, il faut nuancer l'analyse. Les prix de l'immobilier baissent, ils ne s'effondrent pas. Le crédit devient plus difficile à décrocher, il n'est pas encore inaccessible.
Le chômage augmente ; il y a chez nous, avec les allocations chômage notamment, des mécanismes d'amortissement. Bref, de fait, la consommation n'a pas plongé en France comme aux Etats-Unis – en témoignent les fréquentations records, ces derniers mois, des parcs de loisirs, des stations de sports d'hiver ou des salles de cinéma.
Une relance par la consommation se justifierait d'autant moins, ensuite, en France, que les Français continuent, en dépit de la crise, à conserver une capacité d'épargne considérable. L'an dernier, malgré la baisse supposée du pouvoir d'achat, ils ont encore mis de côté près de 15 % de leur revenu disponible. Les montants collectés, notamment dans des livrets défiscalisés, atteignent toujours des niveaux très élevés. Aux Etats-Unis – et dans une moindre mesure en Grande-Bretagne, les ménages sont endettés, massivement. Ils souffrent d'une perte de valeur de leur patrimoine – immobilier et mobilier. Ils craignent pour leur emploi – et en cas de perte d'emploi, pour leur perte de revenus. Dans ces conditions, on comprend qu'un chèque de 1 000 dollars versés immédiatement en crédit d'impôt à chaque ménage puisse avoir là-bas un intérêt. Encore que l'opération, déjà menée une première fois en 2008 sous l'administration Bush, ne se soit pas révélée particulièrement efficace. On comprend aussi qu'une telle démarche n'aurait guère de sens en France.
Le volet investissement du plan Obama mérite peut-être davantage d'inspirer celui promis ici. La volonté de renouveler 75 % des bâtiments de l'administration fédérale comme celle de révolutionner le secteur énergétique sont de ce point de vue à suivre de près. C'est la face «new» «New Deal» du programme annoncé. C'est le mélange offre-demande qui fait la force du plan Obama. L'efficacité d'un plan de relance n'est liée ni aux montants engagés ni à des priorités supposées plus pertinentes en soi : elle est fortement corrélée, en revanche, à son adéquation à la conjoncture du moment.
Erik Izraelewicz